Préface
P. Oswald Firth, OMI, Assistant général, titulaire du Portefeuille de la Mission du Gouvernement central, a demandé à plusieurs Oblats d'écrire de courts articles sur le sujet « Mission » à partir de leurs propres expériences et expertise. Ce numéro de documentation OMI est le deuxième d'une série qui paraîtra dans les prochains mois.
P. Jarosław Róźański, OMI, est né en 1961 à Bilgoraj en Pologne; il est Oblat, prêtre, missiologue et africaniste. Il a étudié au Scolasticat oblat d'Obra, en Pologne de 1981 à 1987. En 1991, il a terminé des études en langue et littérature polonaise à l'Université Adam Mickiewicz à Poznań
. De 1991 à 1993 il a travaillé au Nord Cameroun. En 1995-96, il a passé quelques mois sur la côte Est de Madagascar. En 1996, il a terminé ses études en missiologie à l'Académie de Théologie catholique (aujourd'hui : Université Cardinal Stefan Wyszyński) à Varsovie, où en 1998, il a défendu sa thèse de doctorat. En 2004, il a reçu le doctorat d'Etat (habilitation). Il est l'auteur et l'éditeur d'une douzaine de livres et de beaucoup d'articles. Parmi ses livres (tous en polonais) on trouve : Mission et promotion
(Varsovie 2001), Inculturation de l'Eglise parmi les peuples du Centre Soudan
(Poznań, 2004). Sur le concept d'inculturation
(Varsovie 2008).
De 1987 à 2004, il était membre du conseil de Misyjne Drogi (revue de la Province polonaise). Depuis octobre 1999, il est membre de la Faculté de Théologie de l'Université Stefan Wyszyński à Varsovie où il est directeur du département de Missiologie et professeur d'Histoire des Missions. En 2005-2008, il a été le vice-Doyen de la faculté de théologie (2000 étudiants). De 2001 à 20008, il a été membre du Bureau européen de la Mission ; depuis 1998, il est membre du Comité de l'Episcopat polonais pour le dialogue avec les religions non chrétiennes, et depuis 2002, il est aussi vice-président de la Société africaniste polonaise.
L'auteur du deuxième essai est P. David N. Power, OMIné à Dublin, Irlande, en 1932, professeur émérite de l'Ecole de théologie et d'Etudes religieuses de l'Université Catholique d'Amérique, où il a enseigné de 1977 à 2000. Auparavant, il a enseigné au scolasticat oblat à Piltown de 1957 à 1971 ainsi qu'au Milltown Institute of Philosophy and Theology à Dublin et au grand séminaire de Maynouth. Pendant ces années, il était supérieur du scolasticat oblat, il a été ensuite supérieur du Scolasticat International de Rome. Etant à Rome, il a enseigné à l'Université grégorienne et à l'Université St Thomas d'Aquin. Il a été professeur invité à l'Université St Paul d'Ottawa, à l'Oblate School of Theology à San Antonio (USA), à St John's University de Collegeville (USA) et aux grands séminaires de Tahiti et d'Afrique du Sud (Cedara). Deux fois, il a été professeur invité à Manille à l'East Asian Pastoral Institute aux Philippines. Il a aussi enseigné en Australie, au Pakistan, et au Sri Lanka. Il est l'auteur de 12 livres et a prêché des retraites au Sri Lanka, Pakistan, Philippines, Etats Unis, Japon, Afrique du Sud et dans la Province anglo-irlandaise.
La Mission oblate aujourd'hui
face aux problèmes de l'Europe de l'Est
P. Jarosław Róźański, OMI
Tel que formulé, le sujet oriente la réflexion en trois directions : faire référence à la tradition de la Congrégation et l'héritage de St Eugène de Mazenod en particulier, prendre en compte la situation actuelle de la mission et enfin voir le contexte dans lequel la mission prend place. Je commencerai mes réflexions par le troisième point: les changements survenus en Europe de l'Est ; je pourrai ainsi souligner ce qui a toujours été au centre du charisme oblat : l'importance du lieu et des problèmes locaux où l'évangélisation prend place. Et nous posons la question-clé : comment Jésus Christ lui-même réagirait-il ici aujourd'hui ? Comment son disciple St Eugène se comporterait-il ?
Changements politiques dans l'Europe de l'Est après 1989
Après la deuxième guerre mondiale, le terme « Europe de l'Est » recouvrait ces pays qui faisaient partie de l'Union soviétique ou bien étaient clairement sous la domination du Bloc de l'Est, par ex. les Pays baltes, la Pologne, l'Allemagne de l'Est, la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Bulgarie.
Ces pays étaient gouvernés par les partis communistes qui y avaient introduit le système socialiste en économie. L'idéologie de ces partis était pénétrée d'athéisme et ils luttaient contre la religion.
Les gouvernements communistes faisaient preuve d'une animosité ouverte envers l'Eglise catholique et toutes les organisations religieuses ; seule la peur d'une révolte sociale ouverte les empêchait d'utiliser les formes les plus drastiques de répression. Les luttes les plus dures contre la religion ont eu lieu pendant les années soixante ; plus tard, ce fut plus caché, alors que subsistait une discrimination évidente.
Sous l'influence de la pression sociale et grâce à la cohésion des autorités religieuses et du clergé, l'Eglise en Pologne, s'est acquise une grande liberté et est devenue le soutien de l'opposition et des changements démocratiques. En Pologne, l'Eglise et les mouvements d'opposition ont été sans aucun doute renforcés par l'élection, au Siège de Saint Pierre à Rome, de l'évêque de Cracovie, Karol Wojtyla qui a pris le nom de Jean Paul II. Après son pèlerinage en Pologne, le mouvement d'opposition s'est affirmé et en particulier chez les travailleurs. Après les protestations de masse des années 80, ils ont formé le premier syndicat indépendant, en Europe de l'Est : « Solidarnosc » qui a compté plusieurs millions de membres. Parmi les premières revendications des travailleurs, il y en avait un certain nombre qui demandaient la liberté religieuse. Bien que le Syndicat « Solidarnosc » ait été déclaré illégal et que durant la loi martiale proclamée en 1981 on ait essayé d'étouffer ses activités, le Syndicat a continué à travailler dans la clandestinité, soutenu en grande partie par l'Eglise catholique. En 1989, un compromis a été conclu entre le gouvernement et « Solidarnosc », conduisant à des élections parlementaires partiellement libres, dans lesquelles le parti communiste a été décidément vaincu, en ne conservant que ces places qui lui avaient été réservées par l'accord précédent. Avec cet événement a commencé l'avalanche des changements radicaux en Pologne et aussi ailleurs. Le symbole de ces changements a été la chute du Mur de Berlin et la réunification de l'Allemagne. Dans les années qui ont suivi, l'Union soviétique a aussi connu des changements, comme la « perestroika », qui ont permis à beaucoup d'Etats qui faisaient partie de l'Union soviétique de prendre leur indépendance, par exemple, les Etats baltes, le Belarus, l'Ukraine et la Moldavie.
La situation de la société et de la religion dans l'Europe de l'Est aujourd'hui
Aujourd'hui – suivant les divisions utilisées par les Nations Unies – l'Europe de l'Est comprend les pays suivants : Belarus, Bulgarie, République Tchèque, Moldavie, Pologne, Roumanie, Slovaquie, Ukraine et Hongrie.
Le 1er mai 2004, l'Union Européenne a été élargie à 10 nouveaux pays, y compris à des pays de l'Europe de l'Est. A ce moment la République Tchèque, la Pologne, la Slovaquie et la Hongrie ont rejoint l'Union. Le 1
er janvier 2007, la Bulgarie et la Roumanie ont aussi rejoint l'Union Européenne. Les nouveaux pays dans l'Union Européenne passent par une transformation rapide au plan économique et politique, adaptant leur économie, leurs systèmes sociaux et politiques pour les rendre semblables à ceux des autres pays de l'Union. Cette transformation n'est pas soudaine, elle va de pair avec les conditions économiques plus faibles de ces pays et un taux relativement élevé de chômage. Néanmoins, se met en place une large classe moyenne, avec des différences significatives de niveaux sociaux et économiques.
Les pays de l'Est ayant la population la plus nombreuse sont la Pologne (38.2m) et la Roumanie (21.6m). Pour ce qui est de la religion, ces nouveaux membres de l'Union Européenne de l'Est sont sensiblement différents. Quelques uns sont sortis du communisme en assez bon état quant aux structures d'Eglise, des pratiques religieuses et quant à la reconnaissance du rôle de la foi dans la vie privée et de son besoin dans la vie sociale. Les pays leaders sont certainement ceux qui ont une forte tradition catholique comme la Pologne et la Slovaquie. En Pologne, l'Eglise catholique romaine joue un rôle majeur (plus de 90%) par rapport aux minorités religieuses : les Grecs Catholiques, les Orthodoxes, les Protestants et les Juifs. En Slovaquie, les catholiques sont la majorité (environ 70%) et les groupes minoritaires sont les Protestants et les Orthodoxes. Dans ces deux pays, peu se déclarent athées.
Si on s'en tient aux chiffres officiels, les “Orthodoxes”, les derniers arrivés dans l'Union Européenne, s'en sortent plutôt bien : la Bulgarie (plus de 80% d'Orthodoxes, 0,6% de Catholiques), la Roumanie (orthodoxes, 87%, catholiques, 5.6%).Ces statistiques cependant ne rendent pas compte de l'engagement actuel des fidèles dans la vie religieuse et l'Eglise, car en se déclarant chrétiens – surtout en Roumanie et en Bulgarie – c'est davantage les racines culturelles et nationales qu'on affirme plus qu'une participation effective à une communauté religieuse.
Parmi les pays qui n'appartiennent pas à l'Union Européenne, on trouve la Moldavie avec une population de 4 millions seulement, dont 98% se disent orthodoxes, le Belarus, moins de 10 millions dont 60% d'orthodoxes et 8% de catholiques ; l'Ukraine, 47 millions, en grande partie orthodoxe, et la Russie qui a une composante européenne et une autre asiatique avec 141 millions, dont 60% d'orthodoxes et 1% de catholiques. Les économies de la Moldavie, de l'Ukraine et du Belarus sont grandement dépendantes de la Russie qui est politiquement et économiquement puissante dans la région, pour ne pas dire dans le monde. Elle a beaucoup de ressources naturelles et connaît des différences sociales énormes : une oligarchie très riche et la grande majorité de la population, très pauvre. La classe moyenne n'est pratiquement pas développée. Au Belarus il y a un système économique quelque peu différent où le président-dictateur essaie de maintenir un état d'économie contrôlée.
Les Oblats en Pologne
Les Polonais ont commencé à rejoindre la Congrégation à la fin du 19e siècle. Au début ils ont travaillé dans le cadre des Provinces canadiennes et allemandes. Ensuite la Pologne a retrouvé son indépendance et les Oblats se sont installés en Pologne, établissant un juniorat, un noviciat et plus tard un scolasticat. En 1925, la Province polonaise a été érigée comme la sixième Province oblate en Europe. Depuis ce temps, les Oblats polonais se sont développés rapidement. En 1939, ils étaient 275 avec 14 maisons et des Polonais étaient missionnaires au Canada et à Ceylan (Sri Lanka). Le développement de la Province polonaise a été stoppé pendant les cinq ans de la deuxième guerre mondiale et le régime communiste qui a suivi. Les Oblats ont partagé cette période difficile avec toute la nation et toute activité missionnaire a été suspendue.
En 1945, le gouvernement communiste, imposé à la Pologne, a rompu le Concordat avec le St. Siège. En 1949, il a passé un décret supprimant toutes les organisations religieuses du pays. En 1950, l'œuvre catholique « Caritas » a été fermée. En 1952, le gouvernement a commencé une guerre ouverte contre l'Eglise. La coopération de la Pologne avec le mouvement missionnaire a été réduite au seul fait de prier pour les missions. En 1956, les relations entre le gouvernement et l'Eglise se sont détendues quelque peu, mais pas question d'aller dans les territoires de mission.
En 1970, après de nouvelles protestations des travailleurs, où il y eut des morts, les autorités communistes ont changé leur politique et l'Eglise en Pologne a gagné plus de liberté. Les Missionnaires ont été autorisés à voyager, ce qui était tout à fait exceptionnel jusqu'alors. En 1970, les Oblats polonais ont commencé la mission au Cameroun. L'Eglise est devenue encore plus libre après la création de ‘Solidarnosc' dont il a été question ci-dessus et recouvra sa pleine liberté rapidement après les changements politiques en 1989. Les relations diplomatiques avec le Saint Siège ont été rétablies. L'élection du Cardinal Karol Wojtyla – Jean Paul II - au siège de Pierre à Rome a représenté une énorme poussée pour la vie de l'Eglise en Pologne. Depuis lors, l'Eglise en Pologne connaît une augmentation sans précédent des vocations sacerdotales.
En général on dit que l'Eglise en Pologne est sortie de l'ère communiste très renforcée. Les statistiques montraient l'existence d'un grand nombre de catholiques pratiquants et la permanence d'une forte conscience religieuse. De facto, la situation de l'Eglise en Pologne était bien plus complexe. De fait, beaucoup de structures et quasi toutes les organisations d'Eglise avaient été détruites. Dans une grande mesure, tout le travail de publication était paralysé : il n'y avait ni radio ni télévision catholiques. Le laïcat qui soutenait beaucoup l'Eglise se trouvait en marge et mal organisé. Au temps du communisme, l'Eglise était moins une communauté d'évangélisation, qu'un lieu de défense de la nation contre un Etat agressif, totalitaire, et athée. Même les grands changements dans l'Eglise qui naissaient du Concile Vatican II se sont développés très lentement, à cause de l'isolement dans lequel l'Etat tenait l'Eglise. Ce qui a été sûrement un succès ce fut le maintien des paroisses. C'était le lieu de la vie communautaire et religieuse.
Après 1989, l'enseignement de la religion a été de nouveau permis dans les écoles. L'Eglise a commencé à rebâtir ses anciennes structures. Mais elle rencontra également beaucoup de critiques et un courant qui la discréditait aux yeux de la société. De plus, il semble que l'Eglise n'a pas été à la hauteur des défis issus d'une société pluraliste dans laquelle il n'y a plus un ‘Ennemi évident' mais un grand ‘marché d'idées' dans lequel le christianisme n'est qu'une des nombreuses propositions.
Comme dans la période précédente, ainsi après 1989, la grande autorité de l'Eglise en Pologne est le Pape. Il est certain que Jean Paul II a contribué à renforcer cette autorité. C'est pourquoi l'adage : ‘Roma locuta, causa finita' a une telle force en Pologne aujourd'hui. Le clergé et les théologiens ont une prédilection à tout baser sur les textes du Pape et d'autres documents officiels de l'Eglise.
La vie religieuse en Pologne continue à fleurir ; cependant, ce n'est pas sans paradoxe, car on se comporte assez librement en face des articles de la foi et des principes de la morale. Mais en comparaison avec le reste de l'Europe, il y a toujours un pourcentage surprenant de personnes qui pratiquent régulièrement leur foi. C'est aussi surprenant qu'il y ait encore un grand nombre de vocations lesquelles ont atteint leur maximum, en 1987, avec 9.000 séminaristes. À présent, le dynamisme des vocations diminue, partiellement à cause de la crise démographique, mais pas seulement. Il y a un abandon sensible de la religiosité parmi les jeunes et il y a aussi un grand nombre de familles brisées, quelque chose qui n'augure rien de bon pour l'éveil des vocations sacerdotales et religieuses.
Même s'il n'y a pas manque de prêtres, il y a un développement rapide de mouvements de laïcs, propres au pays et d'organismes existants dans l'Eglise à l'Ouest. Cet effort du laïcat est centré sur l'approfondissement de la vie religieuse, des œuvres de charité et d'éducation plutôt que de substitution du prêtre dans ses fonctions sacerdotales.
Cette deion sommaire de l'Eglise en Pologne explique beaucoup le type d'approche et d'action des Oblats polonais dans l'Eglise. Ils vivent les hauts et les bas de l'Eglise comme tout le clergé et la nation. Ils ont participé aux gloires et aux faiblesses de l'Eglise. C'est pourquoi la caractéristique de la pensée et de la formation des Oblats polonais peut être vue comme naissant de ‘l'expérience de l'histoire'.
Cette ‘expérience de l'histoire' a montré clairement que toute grande menace pour la foi et l'Eglise peut être surmontée par la fidélité à la tradition de l'Eglise exprimée par le Saint Siège. C'était aussi important d'être proche des gens, les pauvres et les ouvriers en particulier, puisque leur soutien a sauvé l'Eglise et a lui a permis de vivre aussi matériellement. Quand l'Eglise était exclue de la vie sociale, son activité principale était la paroisse et toute autre activité spirituelle était liée à l'église paroissiale. Tel était le modèle d'un « sacerdoce défensif ». La formation dans les séminaires était centrée là-dessus, l'accent était mis sur la sainteté personnelle et les activités paroissiales, confinées aux terrains de l'église paroissiale et du presbytère. Ainsi s'est développée une offre claire des services en direction des personnes qui venaient au presbytère. Il y avait un manque d'initiatives et peu d'exemples de « sortie » « d'aller au monde ». Les idées qui venaient de l'Eglise de l'Ouest qui ont eu cours après 1989, n'étaient pas suffisamment attirantes, car la période après Vatican II est vue en Pologne comme une période de déclin de ces Eglises. Leurs idées manquent de conviction parce qu'elles ne sont pas soutenues par ‘l'expérience de l'histoire' où l'Eglise était très proche des très pauvres. Ces idées semblaient totalement sourdes aux demandes du Saint Siège et du Pape ; elles prônaient l'abandon des symboles religieux (p.ex. l'habit religieux), un mépris des règlements liturgiques dans les sacrements, la Messe en particulier ; avec des vues de gauche, etc. C'est pourquoi les idées de l'Eglise de l'Ouest sont vues plutôt comme de nouveaux « dangers ».
Récemment, l'attitude des prêtres polonais, y compris des Oblats, est moins unanime ; il y a plus de compréhension envers l'Eglise de l'Ouest. Cependant, la vieille attitude persiste et il semble ainsi que se développe une tendance à se fermer dans son ‘propre monde individuel' ou ‘monde local oblat', ayant perdu le contact fort d'autrefois avec le peuple et en particulier les travailleurs et les communautés rurales, ainsi qu'avec l'Eglise locale. L'espoir réside dans le travail solide des Oblats plus âgés et les initiatives de quelques uns plus jeunes.
Les statistiques actuelles de la Province polonaise sont impressionnantes. En 2006, il y avait 477 Oblats dont la moyenne d'âge était de 43.85, dont 336 en Pologne et 141 en mission. En Pologne, il y a 21 communautés dont 16 paroisses. Quelques Oblats sont aumôniers d'hôpital, aumôniers militaires, ou de religieuses ; d'autres travaillent comme professeurs d'université. La Province a des Délégations, une en France, Belgique et Luxembourg qui compte 43 Oblats, une autre à Madagascar avec 55 Oblats, une autre en Ukraine avec 28 Oblats, la Mission au Belarus en compte 7 et la Mission au Turkménistan, 2. A ces nombres nous devons ajouter 121 Oblats d'origine polonaise qui travaillent en Autriche, dans la République Tchèque, au Canada, en Suède, Norvège, USA, Argentine, Cameroun, Paraguay, Thaïlande, Hong Kong, Allemagne, Espagne, Danemark, Brésil, France, Chili, Pakistan et à la Maison générale à Rome.
Les ressources humaines sont considérables malgré les nombreuses tâches en Pologne et le grand nombre d'Oblats malades. Cependant il nous faut prendre en considération qu'une diminution drastique des vocations en Pologne semble inévitable à cause de la crise démographique qui durera au moins pendant les vingt prochaines années. Peut-être que si la Province entreprend une mission totalement nouvelle et ‘indépendante' cela peut réveiller un nouvel enthousiasme plutôt que les trajectoires ‘dispersées' d'Oblats individuels, surtout que l'idée d'une mission rattachée à une Province fait partie de la tradition de notre Congrégation.
Les Oblats dans le République Tchèque
Les premiers contacts avec les Tchèques remontent à 1911 quand un Oblat tchèque de Vienne a dirigé une mission dans ce pays. Néanmoins des contacts plus larges ont commencé après la première guerre mondiale, à la suite de la création de la Province de Tchécoslovaquie, en 1927. À l'époque la République Tchèque et la Slovaquie étaient unies. La deuxième guerre mondiale et le gouvernement communiste ont mis fin à la présence oblate en ce pays. Le dernier Oblat y est mort en 1970. En 1989, la Tchécoslovaquie a retrouvé son indépendance. En 1993, le pays s'est divisé de façon pacifique en deux Républiques : Tchèque et Slovaque. Aujourd'hui ces deux pays font partie de l'Union européenne et l'économie tchèque apparaît comme l'une des plus stables de toutes celles des Pays de l'Est.
En 1990, P. Zdenek Cizkowsky revint en République Tchèque après avoir travaillé en Afrique depuis 1948. Il fut rapidement rejoint par les Oblats de Pologne et d'Autriche et bien vite il y eut des Oblats tchèques qui les ont rejoints. En 2007, les Oblats de la République Tchèque ont été rattachés à la Province de l'Europe centrale ; ils sont actuellement sept.
Les Tchèques figurent actuellement parmi la population la plus athée au monde, selon les gens qui se déclarent eux-mêmes athées, même si, de par leur histoire, ils sont chrétiens. Cette situation est sans doute l'un des plus grands défis de cette Eglise, et des Oblats. En théorie, une grande proportion des Tchèques ont été élevés dans la tradition catholique qui aujourd'hui regroupe le plus de pratiquants (5%), et pourtant l'attitude des Tchèques envers l'Eglise catholique romaine est assez négative, en particulier à cause du lien entre le catholicisme et la domination allemande. L'Eglise y a besoin aujourd'hui d'une nouvelle évangélisation afin de raviver la foi et l'engagement des chrétiens et pour enrayer le processus de déchristianisation qui a conduit à l'athéisme. Il semble qu'on ait plus de choses à dire sur le dialogue entre l'Eglise et la société laïque, en République Tchèque qu'en Europe de l'Ouest ou en Amérique. Il y a un vaste domaine offert au dialogue œcuménique avec les églises protestantes qui souffrent encore plus de la crise d'identité et sont donc plus ouvertes au dialogue œcuménique.
Les Oblats en Roumanie
La Roumanie s'est trouvée sous la domination du communisme russe après la deuxième guerre mondiale. En 1965, Nicolae Ceausescu arriva au pouvoir et a rompu ces liens. Il n'a pourtant pas cherché à nouer des liens avec l'Ouest, mais il a introduit une dictature sanglante, au nom du communisme. En décembre 1989, Ceausescu a été déposé à la suite d'une révolution sanglante. Des représentants d'une aile modérée du parti communiste sont arrivés au pouvoir et ont été remplacés par les démocrates en 1996. En 2007, la Roumanie a rejoint l'Union Européenne.
Quatre vingt sept pour cents des Roumains se déclarent orthodoxes et 5.6%, catholiques. Depuis 2000, les Oblats italiens y ont entrepris un travail pastoral ; actuellement ils sont sept. Ils y ont rencontré une réponse positive de la part des jeunes qui veulent rejoindre la Congrégation. La grosse question qui attend les Oblats et le Clergé local est certainement le besoin d'une nouvelle évangélisation et le développement du dialogue œcuménique avec la majorité orthodoxe et la minorité protestante. Ce dialogue est favorisé par l'ouverture de la part du clergé orthodoxe envers les initiatives de l'Eglise catholique. Il en résulte une possibilité d'aider ces grandes poches de pauvreté qui caractérisent encore la société roumaine actuelle.
Oblats en Ukraine
L'Ukraine a déclaré son indépendance le 24 août 1991. C'est l'un des plus grand pays d'Europe. 78% des habitants se déclarent détenteurs de la nationalité ukrainienne, mais seulement 67% disent parler l'ukrainien. Parmi les croyants (environ 50% de la population), la majorité est orthodoxe et appartient à trois groupes séparés. Le plus grand groupe est celui de l'Eglise Orthodoxe Ukrainienne du patriarcat de Kiev, qui a sa base surtout au centre du pays. Le patriarcat de Moscou était contre la création de cette Eglise, car Moscou ne reconnaît que l'Eglise orthodoxe du Patriarcat de Moscou, présente surtout à l'Est du pays. Ces Eglises luttent entre elles. Le troisième groupe, le plus petit appartient à l'Eglise orthodoxe Ukrainienne autocéphale, importée en Ukraine depuis les USA et l'Europe de l'Ouest.
Un petit mais vigoureux groupe est celui de l'Eglise Ukrainienne gréco-catholique qui se trouve principalement à l'Ouest du pays. C'est une Eglise catholique qui appartient à la tradition byzantine ukrainienne, connue aussi comme Uniate. Après la deuxième guerre mondiale, cette Eglise a souffert persécution et a été par la suite, incorporée d'office dans l'Eglise orthodoxe.
L'Eglise catholique romaine en Ukraine est petite et a été traditionnellement identifiée avec les Polonais. Détruite au temps de la répression communiste, elle a recommencé après l'Indépendance du pays.
Les Oblats ont commencé de travailler en Ukraine en 1990, juste avant la déclaration d'indépendance. Les Oblats polonais ont commencé au centre du pays et ensuite à l'Est. Le 14 septembre 1997, l'Ukraine a été établie comme Délégation de la Province polonaise. En 2006, la Délégation d'Ukraine comptait 28 Oblats : 19 prêtres, 2 Frères et 7 scolastiques. Ils travaillent en 8 endroits. Le travail des Oblats en Ukraine se centre avant tout, comme en Pologne, sur le travail pastoral, dans le cadre des paroisses. Quelques Oblats donnent aussi des retraites et l'un d'eux travaille dans les médias catholiques.
Le problème que les Oblats rencontrent en Ukraine est avant tout celui de faire exister l'Eglise catholique romaine au niveau local. Dès le début, ce fut leur préoccupation c'est pourquoi, ils ont introduit l'ukrainien, comme langue liturgique à la place du polonais. Ils sont aussi conscients que dans leur position, ils ont besoin d'une communauté internationale afin de souligner que l'Eglise catholique romaine n'est pas une « Eglise polonaise », ce qui a été la règle pendant plusieurs siècles. A part cela, ils sentent la nécessité de lancer plus d'activités en dehors des paroisses, en rompant avec le modèle polonais de ministère et d'évangélisation, puisque 50% de la société ukrainienne ne se reconnaît d'aucune religion.
Comme le travail des Oblats se passe au centre et à l'Est du pays, et donc en des régions où se trouvent les orthodoxes, divisés entre eux, ils ont de la peine d'engager le dialogue avec l'Eglise orthodoxe. Ce dialogue normalement a lieu dans des rencontres et dans le travail social conjoint. Il devrait certainement y avoir aussi des contacts au niveau théologique, ce qui demanderait une préparation de la part des Oblats individuels en se formant au dialogue, par des études universitaires. C'est difficile de dire si, à l'avenir, on pourra faire référence au travail des Oblats d'avant la guerre qui pratiquaient le bi-ritualisme et travaillaient avec l'Eglise gréco-catholique ?
C'est clair que les Oblats sont aussi mis au défi de travailler avec les plus pauvres. On peut faire quelque chose en développant des projets de charité. L'Ukraine a été secouée par une grande crise économique au moment de l'indépendance. La situation s'est remarquablement améliorée après 2000; cependant, dans les dernières années, l'économie ukrainienne se retrouve en panne, affectant négativement le niveau de vie de beaucoup de gens.
Les Oblats en Biélorussie
La route vers l'indépendance de Biélorussie a été associée à l'effondrement de l'Union soviétique. La déclaration d'indépendance a été approuvée par le Grand Conseil le 27 juillet 1990. Le système politique de Biélorussie a été transformé en République présidentielle, avec les attributs évidents d'un Etat autoritaire. Le Président Aleksander Lukaszenko qui est accusé de violation des droits de l'homme, reste inamovible. Le pouvoir de Lukaszeneko et de ses partisans est contré par des groupes d'opposition. Il y a beaucoup de régions dans le pays qui souffrent de grande pauvreté.
Des Oblats de Pologne ont travaillé en Biélorussie avant la guerre. Après la guerre, un seul est resté : P. Wojciech Nowaczyk qui a été prisonnier des goulags soviétiques. Le retour des Oblats remonte à la fin des années 1980 et est associé au travail sporadique du P. Kazimierz Jedrzejczak. En 1992, il y reste de façon permanente où il dessert une paroisse dans la campagne et enseigne au grand séminaire. Actuellement il y a 7 Oblats dans la Mission biélorusse : 5 Pères, un Frère et 2 scolastiques.
La grande difficulté pour l'Eglise et pour les Oblats réside dans la ré-évangélisation et la re-christianisation des gens. Il faut mener ce travail dans un esprit de dialogue avec l'Eglise orthodoxe qui traverse elle aussi un temps de renouveau. Une grande question mais aussi un espoir est le travail avec la jeunesse où naissent les séminaristes et les premiers prêtres de Biélorussie. Un autre grand défi c'est la réponse qu'on va donner à la très grande pauvreté. Et un problème encore plus grand est le soutien aux droits humains qui peut mener ceux qui s'y engagent à la déportation immédiate, sans espoir de retour. Il semble qu'une préparation complète des laïcs jouera un rôle vital dans la ré-évangélisation du pays.
* * *
L'Eglise dans les Pays de l'Est a connu un passé commun: la lutte contre le système communiste inhumain. Cependant cette lutte était très différente dans les divers pays. La leçon commune est certainement la nécessité d'enraciner l'Eglise dans les communautés des ouvriers. Ils ont été le roc de l'Eglise et c'est grâce à eux qu'elle a survécu aux persécutions. Les Oblats ont une grande expérience du travail avec les communautés simples et pauvres. Cette expérience se continue aujourd'hui dans les divers pays.
Cependant, la reconstruction de l'Eglise est aussi associée avec le besoin de formation du laïcat, la création d'écoles de théologie, les séminaires et autres centres d'enseignement. Il semble que notre engagement en ce domaine a été négligé – de même qu'en beaucoup d'autres lieux dans le monde. Nous ne donnons pas toujours assez de poids à un haut niveau de formation des cadres académiques ou à la création de centres académiques, à la publication, à la presse locale, etc. Ceci est d'autant plus nécessaire depuis que les pays se sont libérés du communisme et qu'ils peuvent facilement tomber sous le charme des systèmes libéraux. Ceux-ci, selon l'enseignement social de l'Eglise – ont leurs propres pièges et leurs façons de dégrader l'être humain. En ce domaine, les fidèles ont besoin d'un chemin prophétique indiqué par l'Eglise.
Dans les pays de l'Est, l'Eglise a aussi besoin d'un engagement œcuménique, y compris théologique : ce qui demande nécessairement de développer la formation pour un esprit d'ouverture. Il semble aussi que la Congrégation pourrait être plus engagée dans la ré-évangélisation de l'Europe de l'Est, ne laissant pas cette tâche uniquement à la Province polonaise ; il existe un vrai besoin pour des communautés internationales, montrant une dimension de la vie qui transcende les différences culturelles et l'action de l'Eglise. Cet engagement international est d'autant plus nécessaire puisqu'il y a de vastes régions dans cette partie de l'Europe, dans lesquelles les Oblats ne sont pas présents et qui ont un grand potentiel, par exemple la Slovaquie catholique ou la Russie orthodoxe qui a déjà et aura un grand rôle dans la politique et l'économie du monde. Le développement des Oblats dans les pays environnants a toujours été une tradition dans la Congrégation.
Ce ne sont que quelques uns des chantiers et des perspectives possibles en Europe de l'Est où vivent tant de peuples et de riches cultures. Etre ouverts à ces appels montrera à l'évidence le courage et l'esprit de la Congrégation dans son engagement envers l'Eglise – ce qui est un héritage de St Eugène de Mazenod.
Ecritures et Mission
David N. Power, OMI
Comme il est essential au charisme oblat d'évangéliser, de prêcher l'Evangile, ce n'est que juste de nous demander combien sommes-nous versés dans la connaissance des Ecritures et quelle place elles ont dans notre travail missionnaire. Les pensées que vous trouverez ici reprennent quelques points du Synode des Evêques sur la Parole, tenu à Rome en 2008 et qui pourront être utiles pour notre renouveau oblat. Vous trouverez à la suite quelques tentatives de les situer dans le contexte actuel de l'apostolat oblat.
Le Synode sur la Parole de Dieu
Nous aimerions croire que le prochain Chapitre général puisse aider la Congrégation à récolter quelques fruits de ce Synode pour son renouvellement intérieur et sa mission apostolique. On peut penser qu'à ce moment-là, l'exhortation apostolique aura été publiée, mais nous pouvons déjà glaner quelque chose dans le message final et les propositions. Toutes les propositions du Synode sur la Parole de Dieu sont disponibles sur le site web du Vatican, nous en extrayons quelques points à cause de leur pertinence pour le renouveau de la mission oblate et de son mode de vie évangélique.
Cet appel à mieux connaître le Christ comme Parole vivante de Dieu à travers les Ecritures a été présent dans la vie et l'enseignement de l'Eglise, dans la période de renouveau de sa mission et de sa vie qui a suivi Vatican II qui en avait montré l'importance dans la Constitution sur la Révélation. Cet enseignement a été repris par Paul VI dans le document post-synodal sur l'Evangélisation, où il affirme que les Ecritures, comme Parole vivante de Dieu sont, avec l'attention aux signes des temps et aux cultures des peuples, au centre de la « nouvelle évangélisation ». Jean Paul II est revenu sur ce point quand il a convoqué le jubilé de l'an 2000 ; il a eu l'audace de dire qu' «ignorer les Ecritures c'est ignorer le Christ » puisque c'est par elles, en lien avec les signes de sa présence parmi nous, que nous pouvons contempler la face du Christ.
Dans le message final dans lequel les évêques qui ont participé au Synode de 2008 s'adressent à l'Eglise, ils soulignent l'importance fondamentale de la connaissance des Ecritures, pour rencontrer Jésus Christ comme Parole vivante de Dieu au sein de l'Eglise. Les Ecritures sont une Parole ou une Voix que Dieu nous adresse, par laquelle il nous permet de voir le visage du Christ, Parole Vivante. Elles sont reçues et interprétées y compris de façon pratique, dans la maison de l'Eglise. Les évêques ont aussi souligné leur rôle pour propager la nouvelle de Jésus-Christ, en suivant les chemins et les routes du monde. Par le travail sur les Ecritures, le Christ prend une nouvelle vie à travers le monde quand la Parole de Dieu marche sur les routes du monde, parmi beaucoup de peuples. Deux autres points que les Evêques ont soulignés : le rôle que les Ecritures jouent dans le dialogue avec les autres religions et leurs saints livres, d'une part et d'autre part, la façon selon laquelle ils nous invitent à mieux écouter la voix des pauvres et la compassion de Dieu devant la misère de ceux qui souffrent. Ce qui est le plus particulier dans la présence du Christ vivant comme Parole de Dieu est le plus universel et ce qui est le plus universel est aussi le plus particulier.
Les
propositions soumises à Benoît XVI pour les inclure dans le document post-synodal, mentionnent la connaissance des Ecritures qu'il faudrait donner à tous les chrétiens ; elle n'est pas un domaine réservé à des spécialistes ou aux prêtres. C'est une tâche du leadership pastoral d'apporter les Ecritures à tous les membres de l'Eglise pour qu'elles deviennent une force vivante dans la vie des communautés ecclésiales. En effet, tout en traitant de la place des Ecritures dans la liturgie, les propositions accordent une attention particulière à la place qu'elles ont dans la vie des petites communautés, y compris de celles qui rarement ont la chance d'avoir une célébration de l'Eucharistie mais qui relèvent quand même du soin des responsables de la pastorale diocésaine. La Bible a un rôle à jouer dans tout le renouveau ecclésial, mais les propositions soulignent la nécessité d'écouter, d'étudier et de prier les Ecritures dans ces communautés qui rencontrent le Christ, comme Parole vivante de Dieu, dans une prière fréquente de la Parole de Dieu, fondée sur une bonne connaissance.
Les Pasteurs, par conséquent doivent être attentifs à cette réalité et faire tout ce qu'ils peuvent pour apporter à ces communautés l'aide dont elles ont besoin pour développer leur étude et leur prière bibliques. Ceci est cohérent avec ce que dit le Décret de Vatican II sur le ministère et la vie du prêtre ; il dit en effet que la prédication de la Parole est la fonction constitutive du ministère ; il demande donc que les prêtres eux-mêmes soient bien versés dans la connaissance des Ecritures et qu'ils prennent grand soin à en répandre la connaissance parmi les fidèles.
Quelques propositions parlent de la place qu'une lecture priante des Ecritures a dans la vie spirituelle. Les évêques rappellent l'ancienne tradition de l'Eglise de la
Lectio divina. Elle commence par une étude qui dégage le sens propre d'un passage. Fondé sur ce sens solide, le lecteur se demande ce que ce texte révèle du Christ et quelle est sa pertinence avec sa propre vie. De là, naissent dans le cœur diverses formes de prières, conduisant souvent à des moments contemplatifs de simple regard silencieux du visage du Christ. On souligne l'importance de cette pratique dans le renouveau des communautés consacrées qui apprennent ainsi le style de vie évangélique et peuvent en témoigner. Chez les religieux, la combinaison de l'écoute de la Parole et de la pratique des conseils évangéliques leur permet de les lire avec le « cœur du pauvre » et de s'engager plus fortement au service de la justice, de la paix et de l'intégrité de la création.
En un temps où l'Eglise et les communautés de vie apostolique sont davantage engagées dans le dialogue avec les cultures et la foi vivante des autres confessions, l'Eglise doit aussi parler de sa foi dans la Parole vivante de Jésus Christ, ce qui veut dire d'une foi nourrie par les Ecritures. Il ne s'agit pas d'imposer la foi au Christ, mais d'être convaincu que le dialogue avec les autres ne peut se faire proprement que sur la base de sa propre foi au Christ, nourrie des Ecritures, tout en faisant attention à la connaissance des livres saints des autres religions.
Ayant tout cela à l'esprit, on peut souhaiter que le prochain Chapitre soit attentif à la place des Ecritures dans la vie évangélique et dans l'apostolat des membres de la Congrégation et qu'il fasse la liste des points forts et des points faibles en ce domaine. Qu'il ne se contente pas de simples exhortations, mais qu'il adopte quelques plans spécifiques pour en favoriser la réalisation. Le Chapitre doit aller au devant d'un temps de la vie de l'Eglise qui appelle à rencontrer le Christ vivant, en étant nourris par une écoute plus profonde de sa voix dans les textes de la Sainte Ecriture, qu'il en voie donc les incidences dans la vie de la Congrégation.
Ecritures et l'Option pour les Pauvres
Ayant pris note de ces points venant du Synode, nous nous demandons maintenant comment cela se relie au charisme oblat d'apporter l'Evangile aux pauvres et de vivre une mission vécue comme « option pour les pauvres. » Prêcher l'Evangile et vivre à la lumière de l'Evangile doivent prendre de nouvelles formes aujourd'hui qui se situeront dans la lumière de la promotion d'une solidarité globale, fondée dans l'option de l'Eglise pour les pauvres. Elles accepteront aussi la lumière d'une attitude croyante fragile, associée à la notion de sécularité. L'option pour les pauvres prend aujourd'hui une nouvelle urgence en face des effets négatifs de la globalisation, dont une pauvreté grandissante des peuples et la crise écologique qui prive les peuples d'un développement durable et du droit de vivre leur héritage culturel, en communion avec la terre, en des communautés durables.
Il fut un temps où être chrétien semblait, en plusieurs pays, être imposé par la nécessité sociale. Dans le monde occidental, beaucoup ne trouvaient que difficilement leur place dans la société, s'ils se situaient en dehors des communautés et des organisations de foi. Quand l'Evangile était prêché en d'autres continents, il était présenté comme une obligation et une nécessité pour éviter la damnation. Les missionnaires dénonçaient les autres traditions de foi vivante et ont fragilisé le cœur de plusieurs héritages culturels. Aujourd'hui, pour des raisons spécifiques à chaque société et culture, la foi au Christ n'est qu'une option parmi d'autres ; mais même à ceux qui ne souhaitent pas recevoir cet Evangile, Christ doit être annoncé pour ce qu'il signifie pour nous, pour ce que nous estimons qu'il révèle de l'amour de Dieu et du pardon et de sa puissance sauvante. Comme indiqué par l'enseignement magistériel depuis Vatican II, Christ doit être offert comme un don de Dieu, comme une invitation à une vie plus remplie, comme une présence vivante et comme une énergie ou une force d'espoir dans la construction d'un avenir humain, durable et terrestre. C'est par la foi en lui et par la communion en lui que l'Eglise chrétienne peut devenir une présence et une force dans le monde pour la réalisation d'un ‘royaume divin', un règne d'amour qui travaille en vue du bien de l'humanité et de la rédemption de la terre. Toute activité missionnaire, n'importe où dans le monde, doit, par le témoignage et la parole, prendre la forme d'une invitation vivante d'un Dieu aimant, à mener une façon de vivre qui soit communion dans la Parole et l'Esprit, qui amène cet amour à exister et à agir dans le monde, tout en respectant les autres croyances. Si l'évangélisation n'est pas une proposition persuasive qui offre un fondement pour un futur souhaitable dans l'amour et la solidarité, elle sera stérile. De même, si elle n'est pas présentée comme une raison persuasive du pourquoi nous vivons comme nous le faisons, elle n'a pas de place dans le dialogue entre les croyances et les cultures.
A mesure que l'option pour les pauvres prend forme dans la vie de l'Eglise, le long des routes que la Parole traverse, nous avons noté comment le Synode, en suivant l'expérience à travers le monde, a mis l'accent sur l'importance des petites communautés dans la vie de l'Eglise. Nourries par la Parole, elles représentent une famille de croyants ; comme communautés, elles sont une présence évangélisatrice, qui apportent les ressources de l'Evangile à tous les pauvres dans le monde. Ceci a fait partie de l'essentiel des stratégies pastorales des Eglises en Afrique, en Asie et en Amérique latine depuis les années 70 (voir la documentation in David Power,
Mission Ministry Order, New York & London, Continuum 2009, pp. 9-65) mais son importance se fait de plus en plus sentir, alors que le besoin de changer la structure de la société devient de plus en plus clair, face aux économies qui exploitent les communautés humaines, en même temps que les énergies de la nature. Face à une injustice collective et globale, l'Eglise doit devenir plus consciente du service qu'elle doit, au nom du Christ, rendre aux communautés, pour leur permettre une existence durable, dans des économies durables ; cela implique de leur présenter les orientations dont elles ont besoin pour construire leurs vies et leurs espoir sur la rencontre avec Jésus Christ, dans la parole vivante des Ecritures. En tout cela nous ne sommes pas loin de la découverte d'un modèle alternatif de développement, dans un monde injustement globalisé. Nous avons besoin d'une foi dynamique et d'une vision qui contribue à faire changer la structure même de la société.
Les communautés de foi ne sont pas que réceptrices du message et objet de l'attention pastorale, elles sont elles-mêmes actrices de la vie ecclésiale et de l'évangélisation. Elles doivent être aidées à être des communautés qui soient rendues vivantes par la rencontre avec le Christ, Parole Vivante, enflammées par l'énergie de l'Esprit. Leur vie et leur mission doivent être enracinées dans la connaissance de Jésus Christ, donnée dans les Ecritures et venant à la vie à l'intérieur de communautés qui cherchent la paix et la justice et veulent travailler au bien commun. Sans une connaissance vivante de la Parole vivante de Dieu et sans tenir fermement à l'enseignement des Ecritures, il n'est pas possible d'approfondir une présence pastorale à l'intérieur de l'humanité fragile, vivant sur une terre fragile. Les Oblats, signes du Royaume par leur engagement évangélique et pasteurs, ne peuvent pas exercer leur mission sans qu'ils aient eux-mêmes une connaissance vivante de la Parole et sans se laisser instruire dans leur connaissance et leur foi, par le travail et l'écoute des communautés qu'ils servent. Tout un style de leadership pastoral et d'enseignement se développe par le travail avec et l'orientation donnée aux communautés, rejoignant leur désir d'être vivifiées en leur communion avec le Christ, par la Parole vivante des Ecritures.
Même dans le dialogue interreligieux, avec le plein respect des autres croyances et travaillant sur des perspectives communes, nous souhaitons parler authentiquement de Jésus Christ, en puisant dans notre rencontre avec lui, Parole vivante de Dieu. De quel type de Christ parlons-nous quand nous le connaissons ainsi ? Ce n'est pas d'un Christ qui serait une obligation pour le salut ou comme un juge, excepté pour ceux qui refusent d'être miséricordieux ou d'aimer leur prochain, mais d'un Christ qui, parce qu'il a été élevé, parce qu'il s'est donné lui-même jusqu'à la mort, et que son enseignement et son travail parmi les gens durant son ministère est Dieu se révélant lui-même en se vidant de lui-même, comme présence parmi les pauvres, comme guérisseur, comme compassionné et miséricordieux, comme quelqu'un dont l'amour n'est pas lié par les différences de genre, d'âge, de standing, de race, de culture, comme un père qui donne son Fils et son Esprit sans arrière-pensées. La prière pour la préparation du Chapitre demande la grâce d'une conversion radicale : la conversion dont nous avons besoin est une conversion à Jésus Christ, par une parole vivante, dans une action sacramentelle vivante.
La Parole vivante en des Communautés vivantes
Sans véritable attention à ce qui nous est offert par la parole vivante, nous risquons de manquer l'occasion de rendre témoignage à la présence du Christ. Marcel Dumais, dans son document, présente de nombreux textes de l'Ecriture qui jettent une lumière sur la vie oblate et la mission, avec des conséquences pastorales claires. Ce dont nous avons besoin c'est de voir comment, en pratique, nous puisons constamment dans les Ecritures, pour notre travail avec les communautés de foi. Pour cela je vous présente quelques exemples.
Au Carême 2009, j'ai entendu des sermons pour le premier et le second dimanche du Carême en deux différentes églises (aucune desservie par les Oblats). Le dimanche où l'Evangile selon St. Marc, proclame le récit de Jésus, quand il a été tenté par Satan, dans le désert ; le prédicateur a fait un exposé, sans doute utile à sa façon, sur comment surmonter les tentations qui viennent des inclinations de chacun au mal. Il n'y avait aucun appel à la communauté, aucun développement sur la façon dont l'Evangile de Marc parle de la venue du Royaume de Dieu, sur ses conditions et ses espérances. Marc relie l'épreuve dans laquelle Jésus est réconforté par les anges avec sa proclamation que le royaume de Dieu est tout proche. Il est offert ce dimanche comme une invitation aux communautés d'Eglise de vivre avec le Christ, dans la recherche de ce royaume. La présence paisible de Jésus avec les animaux sauvages dans le désert, est un signe de la restauration du royaume de paix, comme il est évoqué dans le livre d'Isaïe. Mais Jésus ne peut en témoigner si ce n'est à travers la confrontation avec Satan, et ses séductions qui lui font miroiter d'autres façons d'instaurer un royaume terrestre. Si une communauté est invité à une réflexion commune sur cet Evangile, elle trouvera peut-être une invitation à marcher avec le Christ vers la Pâques, elle pourra réfléchir à sa manière de servir le royaume, elle pourra trouver l'espoir dans un royaume de paix. Quand dans le lectionnaire du Cycle B cet évangile est associé à l'alliance de Dieu avec Noé pour la préservation de la terre, il est lié dans l'imagination avec un nouvel espoir en face des épreuves de société et d'environnement d'aujourd'hui qui exploitent la terre et ruinent la vie humaine à sa surface.
Le deuxième dimanche de Carême, le prédicateur a choisi de parler de la divinité du Christ en le comparant, de façon un peu drôle, à Superman ou Batman dont la vraie nature est obscurcie par les masques qu'ils portent. De fait, l'Evangile de la Transfiguration concerne la révélation de la filialité de Jésus et de l'offrande du Fils au monde, dans sa Pâque, dans la répudiation et la passion qu'il doit subir. Le lien fait dans le Cycle B de ce texte avec le récit d'Abraham et d'Isaac a le même sens que la Veille : Dieu offre son fils comme un père aimant à l'humanité et pour sa rédemption. Dans le récit de Marc, les disciples ont déjà confessé une foi un peu molle au Christ, Fils de Dieu, mais ils refusent de voir sa filialité rendue évidente sur le chemin de la Croix. C'est de cela que Jésus parle avec Moïse et Elie ; c'est sur le chemin de la Croix que Pierre, Jacques et Jean peuvent le connaitre, lui, Fils et Serviteur. Mais la promesse de vie tarde et ils sont laissés avec la question : « que signifie ressusciter d'entre les morts ? » C'est avec cette question qu'une communauté de foi devrait être laissée ce jour, comme quelque chose promis à tous dans la résurrection de Jésus, comme une espérance quand ils s'engagent comme enfants de Dieu, dans un service aimant, même jusqu'à verser leur sang pour l'amour des autres. Les deux prêtres que j'ai entendus montraient un sens de compassion pour les gens troublés et un désir d'instruire, mais ils manquaient de puissance pour apporter la parole du Christ dans les Ecritures, pourtant vivantes dans ces communautés de foi et de service.
Les Missionnaires Oblats et la vie évangélique
Depuis saint Eugène de Mazenod, les Oblats ont tenu les paroles de Jésus à Nazareth comme expression de leur appel missionnaire et leur motivation ; le sens de ces paroles doit cependant être saisi de plus en plus et de façon toujours nouvelle. Des études uraires ont attiré notre attention sur quelques points qui aident à approfondir notre appel à nous identifier avec Jésus, dans la mission que le Père lui a donnée : apporter la bonne nouvelle aux pauvres. En citant Isaïe, Jésus ne se réfère pas seulement à un texte mais indique une façon d'interpréter la prophétie d'Isaïe, dans son ensemble, comme quelque chose qui traverse le livre. Isaïe parlait au peuple d'Israël à un moment de perte, de dépouillement et d'attaque de l'extérieur. Les gens savaient de façon concrète ce que cela voulait dire être pauvres, suite au malheur qui leur arrivait. Isaïe leur rappelle la promesse infrangible de Dieu, mais il leur rappelle aussi leur propre vocation à vivre plus fidèlement cette alliance. Cette alliance implique de promouvoir la justice pour les pauvres, donner à l'aveugle et au paralysé (les exclus) leur propre place dans la communauté, s'ouvrir aux nations, en se rendant compte qu'elles ne sont pas là pour nourrir de l'hostilité mais qu'elles sont là pour être un signe pour les nations. Isaïe leur rappelle encore l'importance, en leur milieu, de communautés servantes qui vivent de l'image de celui (ou de ceux) dont il fait le portrait sous les traits du serviteur souffrant.
Jésus englobe tout ceci comme expression de sa mission et de la mission dans laquelle il veut que ses disciples collaborent. Sa propre situation était très concrète ; en Galilée en particulier elle créait beaucoup de pauvres. Parfois c'était la faute des gens eux-mêmes à cause de leur sens rigoureux de la pureté rituelle et de leur façon d'exclure automatiquement des malades (lépreux, aveugles, mendiants) ; leur tendance encore à exclure et à condamner ceux qui, selon l'interprétation rabbinique de la Loi, se calquaient sur les pécheurs, parce qu'il ne respectaient pas toujours l'héritage d'une terre, ou qu'ils fautaient dans l'observance des preions du Jubilée ou de l'année sabbatique, concernant le soin des terrains et de leurs ressources naturelles. Il y avait cependant aussi les conséquences de l'occupation venant de l'extérieur (Hérodiens, Romains et même les Grands Prêtres) et ce qui s'en suivait, par exemple la confiscation des terres, l'imposition des taxes de propriétaires terriens absents, la surconsommation des ressources d'eau pour les constructions comme Sepporis et Tibériade. Les paraboles de Jésus révèlent quelques unes des conséquences de l'effondrement de la vie normale et durable : grands fermiers absents, domestiques, esclaves, journaliers, champs en friches figurent assez constamment dans ces histoires. Quand Jésus dit « heureux les pauvres » ceux qui souffrent la pauvreté de l'injustice c'est à ces exploités qu'il pense. Jésus cependant signale qu'ils n'ont pas réussi à vivre comme signe pour les nations quand ils laissent s'installer de l'inimitié envers les autres, quand ils n'embrassent pas la totale extension de l'amour du prochain : ses histoires à propos d'Elie et de Naaman, données à Nazareth, montrent cet échec. Ce que la mission de Jésus embrasse en tant que mission aux pauvres, quand la Parole marche sur les routes du monde, est toujours un appel aux Oblats à vivre leur charisme fondateur.
Eugène a pensé la communauté des Oblats comme une communion qui prend modèle sur la relation des douze avec Jésus. Ce point peut être développé en incluant les textes qui parlent de l'envoi des douze ou des soixante-douze pour qu'ils soient, pour ainsi dire des « figures de Jésus » lorsqu'ils apportent l'Evangile aux pauvres (Lc 9,1-6 ; Lc 10,1-12).Tous ces textes qui parlent de cette relation donnent de la matière pour un exercice collectif de
lectio divina.
Les Oblats peuvent aussi trouver que leur propre engagement évangélique prend une nouvelle vie missionnaire quand elle est mise en relation non seulement avec la communauté des douze mais aussi avec la règle de la communauté des disciples donnée en Mat. Chap. 18-29. L'invitation à une vie vécue selon les conseils évangéliques est à son comble quand elle est écoutée dans l'écoute de cette règle communautaire. L'invitation retentit de façon toujours nouvelle, dans la rencontre avec Jésus Christ, par la Parole. La règle parle de l'Eglise comme présence et signe du royaume, qui vit de la Parole de Dieu et est transformée par la puissance sauvante et rédemptrice de Dieu. Les signes du royaume, au premier plan, sont le pardon des péchés, la communion dans la charité, le primat des petits enfants et des derniers de la société, la fidélité dans un amour persévérant des gens mariés, la vie dans la pauvreté et pour quelques uns, l'adoption d'un mode de vie contre-culturel, dans le choix de la virginité. Dans le service de ce royaume, certains sont invité à la virginité qui, avec la fidélité du mariage, est rendue possible par l'amour transformant du Christ, comme vie de service, de telle sorte que ces deux choix de vie sont ensemble signes du royaume.
Tous sont invités à la pauvreté qui nourrit la charité et la vie commune; tous sont invités au centuple du royaume. La promesse faite aux pauvres et à ceux qui deviennent disciples est tout d'abord et avant tout le centuple de la communauté des disciples, car c'est en son intérieur que les bénédictions des pauvres et des humbles sont connues. Aucune activité de mission ne peut être entreprise si ce n'est par ceux qui font partie de ce centuple.
Au cours de l'histoire quelques moines, pasteurs et apôtres ont choisi des formes particulières de vie comme façon de garder cette invitation vivante parmi le peuple de Dieu. Aujourd'hui beaucoup de communautés laïques, incluant des familles, redécouvrent de nouvelles manières de vivre la pauvreté évangélique, dans la vie commune. Cependant, la manière des disciples à laquelle Jésus invite, est faite pour tous et en réfléchissant sur ces textes avec des petites communautés, les Oblats pourront voir les implications pour eux-mêmes et apprécier leur propre appel à être témoins et à évangéliser leur milieu. Ces gens sont des agents de l'Evangile au côté desquels les Oblats maintenant travaillent. Si la pauvreté prêchée et rendue concrète par Jésus dans les Ecritures nous retire du monde au lieu d'être à son service, elle perd sa saveur. Quand les Oblats relisent leur appel évangélique dans le modèle uraire de la vie évangélique et dans l'histoire de Jésus de Nazareth, ils voient plus pleinement comment vivre leur appel au milieu d'autres qui ont aussi répondu à l'invitation du Christ et qui témoignent du royaume de Dieu à l'œuvre dans le monde.
Transcendance
Parmi les chrétiens et dans l'Eglise catholique, il semble que l'on se préoccupe beaucoup ces jours de “transcendance » et donc d'un appel aux philosophies de la transcendance. Cette problématique naît souvent des efforts pour répondre au « sécularisme.» Si, comme auditeurs de la Parole nous devons parler du Dieu transcendant, cela doit se faire en termes de la Parole incarnée, du don vivant d'en-haut qui vit et parle en notre milieu, scandale ou folie qu'il puisse être pour beaucoup. Mieux comprendre le discours eschatologique et apocalyptique peut aider à saisir le sens du Dieu transcendant qui est entré dans l'histoire humaine ; ces discours en effet, incarnent des visions montrées au peuple de Dieu et au monde en temps de catastrophe, qu'elles soient naturelles ou plus spécialement fruit des actions humaines ; or ce sont ces dernières qui en ces temps nous ennuient le plus.
On peut toujours se lancer dans des discussions philosophiques sur ce sujet ; on en retirera sans doute quelques fruits, mais on rencontrera aussi les limites culturelles et pratiques. Au Moyen-âge en Europe, exista un certain dialogue entre chrétiens et musulmans, sur l'usage des philosophies de Platon et d'Aristote, mais l'on est arrivé à une impasse et il en a résulté peut-être deux voies abstraites de présenter la vision chrétienne comme transcendance divine et comme présence divine dans la création. Ce qui compte dans la prédication de l'Evangile c'est de voir comment la transcendance est perçue dans le mystère du Christ. Car une chose c'est le présent dans la forme d'un don, le don que le Père fait au monde et le don de l'Esprit et si nous le référons à un acte d'être, c'est au don de l'être et à la forme de ce don donné en Jésus Christ. Par ailleurs on peut aussi l'envisager sous la forme du discours eschatologique. Devant toutes les tragédies, calamités, catastrophes, nous attendons le don de la nouvelle création de Dieu et nous trouvons que l'action humaine est soumise au jugement exprimé dans la vision du Fils de l'Homme qui appelle les élus ensemble, mais devant la face de qui, ceux qui se coupent eux-mêmes de l'amour, ne peuvent pas apparaître.
Engagés dans le dialogue interculturel et interreligieux, nous savons mieux faire que d'être exclusivistes, ainsi nous n'affirmons pas une notion de transcendance qui condamne les autres. Pour un enrichissement mutuel, nous pouvons même apprendre le sens de la transcendance en Islam, dans le Judaïsme, l'Hindouisme, le Bouddhisme, dans les religions traditionnelles d'Afrique et du Pacifique ou des Peuples indigènes à travers le globe, mais c'est à partir de notre propre tradition de foi dans le don de Dieu de la Parole et de l'Esprit, connu de nous par notre réception des Ecritures, que nous entrons dans l'échange et dans le discours. Nous ne pouvons pas chercher simplement des principes philosophiques communs. Construire des ponts, construire la paix, se préoccuper d'une humanité juste et pacifique, doit signifier un rassemblement de différentes traditions et croyances honnêtement proclamées.
Conclusion
Le Synode sur la Parole de Dieu nous a invités à renouveler notre capacité d'écoute et d'annonce de la parole de Dieu au service du peuple et au milieu des pauvres. Les quelques exemples donnés ici ne sont qu'un effort pour montrer comment le retour aux mots uraires fait partie de l'intérieur du renouveau de vie et de la mission évangélique vécue comme service apostolique dans un monde où l'urgence de proclamer l'amour du Christ est encore rendue plus vive par la conscience de la fragilité du monde dans lequel nous vivons et par les nouvelles formes prises par l'appel à servir les pauvres.
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