295 - Mai 2010

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Conversion
Un Cœur nouveau – un Esprit nouveau – une Mission nouvelle


La Commission pré-capitulaire a demandé à un certain nombre d’Oblats d’écrire une réflexion sur quelques aspects du thème choisi pour le 35e Chapitre général. Dans les prochains mois, OMI Documentation publiera ces réflexions. On peut aussi les trouver sous le lien Chapitre général de www.omiworld.org ainsi que sous le lien Documentation, sur la même page.

Ces textes se veulent utiles à la réflexion personnelle et commune des Oblats et de leurs Associés laïcs. Un Chapitre général n’est pas un événement qui n’engage que les capitulants élus et « ex officio ». Il engage tous ceux qui partagent le charisme de Saint Eugène de Mazenod.

Centrés sur la personne de Jésus-Christ, la source de notre mission, nous nous engageons à une conversion profonde et communautaire.


Missionnaires Oblats de Marie Immaculée
Chapitre généraux -- 1972-2004

1972-1998: P. Ronald Carignan, OMI
2004: P. Oswald Firth, OMI

Le Chapitre général de 1972

Le Chapitre de 1972 a marqué le début d’une nouvelle ère dans la Congrégation.
Selon moi, ce Chapitre a été un tournant ; il a déterminé l’orientation de la Congrégation jusqu’à aujourd’hui. Les capitulants y ont identifié trois points d’attention: la Mission, les Valeurs fondamentales oblates et la Communauté. Le premier travail voté par l’assemblée plénière a été de “clarifier notre visée missionnaire et notre engagement avec les pauvres ». Ce fut le thème qui a reçu le plus d’attention. La Mission était devenue une zone d’individualisme, dans la Congrégation et le Chapitre était déterminé à lui redonner un sens collectif d’orientation et de mission. Son document clé, la Visée Missionnaire, est considéré comme un classique oblat. Il était divisé en trois sections: 1) Un regard sur le monde d’où nous venons. 2) Devant ces défis missionnaires, qui sommes-nous? 3) Quelles lignes d’action nous sont maintenant ouvertes? En un sens, ce document utilisait la dynamique de la Préface du Fondateur et a produit un texte avec lequel beaucoup d’Oblats se sont sentis en résonnance. Il est devenu un tremplin pour un discernement continu et un refaçonnement de notre mission, au niveau des Régions, des Provinces, et des Communauté locales. Dans les années qui ont suivi le Chapitre de 72, il y eut, à ces divers niveaux, des Congrès et des Assemblées qui ont dégagé des mises au point plus claires. Le Chapitre général de 1986, dans son Document Missionnaires dans le Monde d’Aujourd’hui, amena cette réflexion à pleine maturité et a produit une vision du monde et de l’évangélisation cohérente avec nos convictions missionnaires.

Les Capitulants ont produit un deuxième document : Structures administratives, qui prend en compte le souhait qui se faisait jour dans le Congrégation, pour une plus grande décentralisation et plus de subsidiarité. Des changements significatifs ont été introduits dans l’organisation, au niveau général. Le Supérieur général ne serait plus élu à vie, mais pour un terme de six ans. Il serait assisté par un Vicaire et deux Conseillers, basés à Rome, l’un pour la mission et l’autre pour la formation. Un Conseiller général pour chacune des six Régions servant de liaison entre l’Administration générale et les Régions, en faciliterait la communication et la collaboration. S’ouvrait ainsi une période d’apprentissage et d’expérimentation qui s’est conclue au Chapitre de 1998, quand les Capitulants ont voté la révision de la IIIe Partie : Organisation, dans nos Constitutions et Règles

Le Corps du Chapitre voulait aussi s’attaquer au renouveau de notre mode de vie commune. A cause des limites de temps et d’énergie, il n’a pas été à même de le faire. Il demanda à la nouvelle Equipe générale de rédiger un document sur la communauté, basé sur les valeurs qui avaient fait surface, pendant les discussions en Assemblée. C’est ainsi qu’un troisième document, lié au Chapitre de 72 sur la Communauté, était publié en automne de 1972. Il renforce clairement la notion de communauté comme partie essentielle du Charisme oblat ; la communauté et la mission sont inséparables, dans la pensée et l’organisation de Mgr de Mazenod. La réflexion que ce document appelle a fourni le thème du Chapitre général de 1992, qui a produit un document solide sur la Communauté oblate : Témoins en Communauté Apostolique.

Le Chapitre général de 1974

Le Chapitre général de 1974 a été convoqué à un moment plutôt difficile, dans notre histoire récente. Notre Général, Richard Hanley avait démissionné, puisqu’il ne se voyait plus capable de gouverner la Congrégation. Pendant son court terme, Richard était devenu un leader oblat très aimé. Son départ a été un coup dur pour beaucoup. Le Chapitre de 1974 a été convoqué, pour élire le nouveau Supérieur général et pour répondre à la crise causée par la démission du Général.

Dans sa lettre de démission, Richard Hanley avait indiqué que les valeurs fondamentales de la vie religieuse, telles que vécues dans l’Eglise, étaient devenues de plus en plus problématiques pour lui. Les membres du Chapitre ne pouvaient pas ignorer le défi que cette reconnaissance représentait. Le sens de la vie consacré et des vœux, dans le contexte de notre vocation oblate missionnaire, réclamaient une place privilégiée dans l’agenda du Chapitre. Il y eut beaucoup de partages personnels en petits groupes, ainsi que les délibérations en assemblées plénières, autour de trois questions : 1) Quelles sont les valeurs qui sont importantes dans ma vie d’Oblat ? 2) Quels sont les obstacles que je rencontre dans la réalisation de ces valeurs, dans ma vie oblate ? 3) Qu’est-ce qui m’aide à réaliser concrètement ces valeurs ?

A un certain moment, les Capitulants ont dû prendre des décisions, comme Congrégation, sur nos valeurs fondamentales, et notre engagement à la Vie religieuse. Avec du recul, il devenait clair que le Chapitre de 1972, si audacieux dans sa visée missionnaire, n’avait pas clairement souligné la relation entre la mission oblate et la vie religieuse. Les participants voulaient communiquer, aux membres de la Congrégation, une position sans compromis, aussi claire que possible,. Ils choisirent d’écrire une lettre : Les Capitulants de 1974 à tous leurs Frères Oblats. Dans un passage clé, l’Assemblée du Chapitre écrivait : « Afin d’être plus significative, notre consécration à Jésus Christ nous engage ensemble, à l’idéal de vie proposé par nos Constitutions. La Préface, de plus, offre l’élan et fournit une mise en œuvre toujours actuelle de ces constitutions. C’est pourquoi nous réaffirmons notre foi dans la vie religieuse apostolique. »

P. Fernand Jetté était élu Supérieur général et P. Francis George était élu Vicaire général. Un comité post capitulaire était nommé pour travailler à la préparation d’un texte révisé des Constitutions et Règles, à présenter au Chapitre de 1980. P. Jetté avait insisté sur le fait que tout est grâce et que nous devions vivre pleinement le moment de grâce contenu dans cet événement difficile. Il semblerait que, comme Congrégation, nous ayons réussi l’examen.

Le Chapitre général de 1980

Le Chapitre de 1974 avait comme but principal de produire un texte révisé de nos Constitutions et Règles, comme demandé par l’Eglise d’après le Concile. Ce n’était pas la première fois que nos Constitutions et Règles étaient révisées. Pendant le temps du Fondateur, notre texte a été changé plusieurs fois, pour répondre aux besoins d’une Congrégation en expansion. En 1926, notre texte était adapté, pour prendre en compte les nouvelles normes sur la vie Religieuse, inclues dans le Code de Droit Canon de 1917. La Chapitre de 1966 avait rédigé un texte qui voulait refléter la vision et l’esprit du IIe Concile du Vatican. Ce texte devait être étudié au Chapitre de 1972. Cependant ce Chapitre n’a pas été capable de mener cette tâche, préférant produire trois documents, qui finalement ont influencé le texte révisé,produit par le Chapitre de 1980.

Les capitulants de 1980 acceptèrent comme document de travail, un texte préparé par une Commission spéciale, établie en 1975 et présidée par le P. Alexandre Taché. En plus du texte, la Commission avait rassemblé 16 volumes de commentaires, venant de divers secteurs de la Congrégation. Le texte a été passé en revue, discuté, raccourci, affiné et finalement, accepté à l’unanimité par l’Assemblée. J’étais l’un des modérateurs du Chapitre, et à la fin des travaux, j’ai eu l’impression d’une Congrégation internationale très unie. P. Fernand Jetté a été élu pour un second terme, comme Général et P. Francis George, Vicaire général, pour un second terme également.

Le Chapitre général de 1986

Le thème du Chapitre de 1986 était : « Missionnaires dans l’Aujourd’hui du monde ». L’Assemblée a travaillé dur pour explorer les traits émergeants de la mission oblate, dans un monde traversant un changement d’époque. Comment, dans un tel monde, entendons-nous l’appel des pauvres ? Comment faisons-nous avancer la justice? Sous quel angle prendre la sécularisation ? l’Inculturation ? Comment articulons-nous Communauté et Mission? Le document du Chapitre vaut la peine d’être revisité!

P. Marcello Zago a été élu Supérieur général. A la fin du Chapitre, Jean Paul II reçut les capitulants en audience privée ; il a eu des mots d’éloge pour le P. Zago. « Je me tourne tout d’abord vers celui que vous venez d’élire comme votre nouveau Supérieur général, P. Marcello Zago, dont j’ai apprécié le bon travail, au Secrétariat pour les Non Chrétiens. Je lui présente mes vœux pour un travail fécond au service des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée. » A la fin de son discours, il ajouta : « Je désire terminer cette conversation familière, en vous invitant à regarder nouvellement la place que tient la Vierge Immaculée dans vos vies personnelles, vos communautés et votre travail missionnaire. Vous vous rappelez que le Bienheureux Eugène, s’était d’abord décidé pour le nom d’« Oblats de St Charles », mais en étant à Rome, il eut une autre intuition : « Oblats de Marie ». Le 22 décembre 1825, il écrivit au P. Tempier : « Oblats de Marie ! Le nom satisfait le cœur et l’oreille » Vous savez... que votre Fondateur a attribué à cette Bonne Mère une grâce singulière : une assurance intérieure de l’excellence de sa société et du bien qu’elle allait faire, à l’avenir. »

Le Chapitre général de 1992

Le Chapitre général de 1992 a marqué la mi-temps pour P. Marcello Zago. Il a été réélu à l’unanimité dès le premier tour. Pendant son premier terme, il a insisté à temps et à contre temps sur la communauté comme élément essentiel du charisme oblat dont elle fut un facteur-clé de l’avenir de la Congrégation. Et donc, après avoir consulté les Oblats à travers le monde, il a fait savoir dans sa Lettre de Convocation à la Congrégation que la communauté serait l’un des principaux thèmes du Chapitre de 1992. Les Capitulants ont passé beaucoup de temps sur la question de la communauté, sur nos pratiques actuelles comme Congrégation et sur le manque de vraie vie de communauté, en plusieurs secteurs de la Congrégation. Un mois entier de délibérations a produit une document exceptionnel : Témoins en Communauté Apostolique. Le Chapitre affirmait que comme Oblats, la première tâche d’évangélisation est de chercher à réaliser une vie de communauté de qualité ; et que le partage financier constitue une dimension essentielle de notre vie en communion et interdépendance.

Le Chapitre de 1992 a ouvert aussi un thème qui a, depuis, reçu une nouvelle attention: les nouvelles Formes d’Association avec les Laïcs. « Une nouvelle réalité devient évidente : les familles, les couples mariés, les personnes seules et les jeunes gens, souhaitent être plus étroitement unis à nous et manifestent un engagement spécial à notre charisme. »

Le Chapitre a aussi publié une position sur Les Communicatiosn sociales et les Médias. Les Capitulants y demandaient que : « Le Supérieur général et le Conseil donnent une attention spéciale au domaine des médias et recherchent des ressources appropriées, dans le Congrégation ». Le Chapitre soutenait « le développement d’un réseau international de communication oblate. »

Dans une déclaration sur Finances et Partage, le Chapitre s’engageait à un Partage du Capital dans la Congrégation et ‘mandatait le P. Général en Conseil, de créer des moyens appropriés pour mettre en œuvre le partage du capital.’

Le Chapitre général de 1992 a été très actif et innovant ; il a débouché sur les six ans de leadership très créatif, pendant le deuxième terme du P. Zago, comme Supérieur Général. En plus de ce qui précède, le Chapitre de 1992 produisit aussi des prises de positions sur Les 500 ans d’Evangélisation des Amériques, sur les Oblats âgés, sur les Centres Oblats de Théologie, sur L’Association des Etudes et Recherches Oblates et sur les Structures Administratives. Tous ces documents valent la peine d’être relus.

Le Chapitre général de 1998

Le Chapitre de 1998 fut assez unique. C’était le premier Chapitre depuis la canonisation du Fondateur et le dernier du second millénaire. La Commission préparatoire a insisté beaucoup sur notre propre évaluation comme missionnaires et sur la clarification de nos attentes, à la veille du Troisième Millénaire. A première vue, les documents préparatoires sont apparus quelque peu négatifs, et les capitulants semblaient à la recherche d’un thème. L’Histoire sera peut-être sévère pour ce Chapitre. Cependant, pour beaucoup de participants, ce fut un événement qui ouvrait à un nouvel aspect pour la Congrégation. La réalité de l’espérance s’est manifestée comme un symbole unificateur pour les Oblats, à travers le monde. Cela a été exprimé dans le Document du Chapitre Evangéliser les Pauvres à l’Aube du Troisième Millénaire : « Ce Chapitre, au moment même où il nous demande de prendre en compte la peine réelle qui souvent marque notre humanité aujourd’hui en même temps que nos limites, fait aussi naître en nous une immense espérance. »

Un moment plutôt exceptionnel a marqué l’ouverture du Chapitre. Dix Laïcs de diverses Régions oblates ont été présents et ont participé aux délibérations. Ils ont parlé avec les capitulants de leurs expériences et ont présenté leurs idées sur le partage du charisme oblat. Ils ont envisagé de grands domaines où nous pouvons être complémentaires et solidaires. Les capitulants ont préparé une déclaration spéciale, sous forme de lettre à nos Associés laïcs, indiquant que le Chapitre avait mandaté un groupe pour continuer la réflexion sur les diverses formes d’association et « pour chercher une meilleure expression de cette réalité dans nos Constitutions et Règles. »

Un nouveau Supérieur général était élu dans la personne du P. Wilhelm Steckling qui avait déjà été membre de l’administration précédente, comme Assistant général pour la Formation. Eugene King était élu comme Vicaire général. D’importantes résolutions ont été adoptées sur les Médias et le Partage du Capital.
Février 2009

Le Chapitre général de 2004

De bien des manières, le 34e Chapitre général devait être un moment d’auto-évaluation de la Congrégation. Dans ce contexte, on pouvait penser que le Chapitre serait le moment clé du Projet Immense Espérance, un processus par lequel chaque Unité de la Congrégation devait s’évaluer, examiner avec soin sa vision et sa mission, sa stratégie missionnaire, sa vie de communauté et son ministère, à la lumière de notre charisme oblat. Le Chapitre n’a pas mis fin au Projet Immense Espérance ; bien au contraire, il a enjoint à chaque Unité oblate de le considérer comme un instrument d’un processus permanent d’auto-évaluation et d’établissement de stratégie missionnaire.

Pendant le Chapitre, les rapports du Supérieur général et ceux des Régions ont aidé à nommer nos forces présentes et nos faiblesses comme Congrégation et ont souligné le grand glissement démographique qui a changé grandement la physionomie de la Congrégation. Le Chapitre a aussi affirmé qu’il ne fallait pas tant rechercher nos forces dans le nombre, mais dans l’esprit de solidarité et d’internationalité qui traverse la Congrégation toute entière.

Le Chapitre a mis sous les yeux de tous les Oblats le défi suivant. Reconnaissant que le monde change radicalement, le Chapitre voulait que les Oblats abandonnent leurs stratégies préférées, leurs zones de confort, afin que comme pèlerins, ils soient ouverts à l’imprévisibilité du plan de Dieu pour la Congrégation. Les modèles pour un tel défi étaient Abraham et Sarah : quand Dieu les a appelés à quitter leur patrie pour se mettre en route vers l’inconnu et le non familier. Confronté à une nouvelle compréhension de la culture, de l’ethnicité, de la religion, de l’idéologie et du genre, dans le monde d’aujourd’hui, « traverser les frontières familières » était devenu un slogan de ce Chapitre.

D’une part, le Chapitre pressait les Unités à revitaliser et à mettre à jour les méthodes missionnaires traditionnelles, telles que le ministère paroissial, la catéchèse, la pratique pastorale et les liturgies ; d’autre part, il encourageait les Oblats à explorer l’établissement de nouvelles communautés pilotes internationales, afin de répondre aux défis de la sécularité : le fondamentalisme et le sectarisme.

D’autres domaines sur lesquels l’attention du Chapitre s’est mobilisée étaient: 1) la promotion de la justice, de la Paix et de l’Intégrité de la Création tant dans nos communautés que dans nos maisons de formation. 2) Développer un processus d’animation à travers la Congrégation, centré sur les besoins des Oblats, au service de l’Espérance. 3) Etablir une Commission d’Oblats et d’Associés ; 4) Consolider les maisons de formation ; 5) Réintroduire la Mission auprès de Jeunes dans les Constitutions et Règles, parmi les priorités missionnaires ; 6) Revoir les structures de Leadership et de Gouvernance dans la Congrégation ; 7) Développer un Partage du Capital II ; 8) Créer un réseau d’Oblats dans l’enseignement supérieur ; 9) Soutenir les Oblats centrés sur le dialogue interreligieux et inter culturel ; 10) Etablir un Comité Permanent des Frères.


La Conversion arrive quand nous trouvons
un trésor caché dans un champ

P. Stuart C. Bate, OMI

La Conversion arrive quand nous trouvons un trésor caché dans un champ. La Conversion vient de Dieu. Nous aidons la conversion, quand nous révélons le trésor à d’autres. La conversion est fruit de l’évangélisation, donc du témoignage de la Bonne Nouvelle, comme réalité à la fois bonne et nouvelle. La Bonne Nouvelle peut faire plaisir, mais également effrayer. La conversion a lieu au sein de la culture ; au sein d’une culture, dans une activité chrétienne et dans un processus de socialisation à la culture de la Vie Religieuse.

La Conversion se passe quand nous trouvons un trésor caché dans un champ

Jésus décrit la démarche de conversion, comme ce qui arrive à une personne qui trouve un trésor caché dans un champ (Mt.13,44). Sa vie est changée ; tout ce qui était si important pour lui auparavant se révèle comme relativement sans valeur ; il change donc de direction, en se dévêtissant de tout ce qui était important auparavant, afin de tout miser sur ce nouveau trésor. Pour un tel homme, « le temps est accompli et le Royaume de Dieu est proche » et ainsi il est appelé à se « convertir (metanoiete) et à croire à la Bonne Nouvelle » (Mc 1,15)

La conversion est une expérience qui consiste à se retourner; c’est un changement de mentalité, un changement du cœur et un changement de direction. Elle fait référence à quelque chose d’admirable qui arrive dans notre vie, si admirable que nous décidons de changer de chemin. C’est ce qui arrive dans les moments puissants et fondateurs de notre vie. C’est ce qui arrive quand les gens tombent en amour, se marient et élèvent les enfants. C’est ce qui arrive quand un peuple est libéré de l’esclavage et de l’oppression. C’est ce qui arrive quand nous devenons de vrais croyants. C’est ce qui arriva à St Eugène, dans l’expérience du Vendredi Saint. « Ce fut un moment singulièrement différent de ce que j’avais expérimenté... jamais mon âme ne s’est sentie plus heureuse... Pourquoi en dire plus ? Pourrais-je à jamais décrire et rendre avec justesse ce que je ressentais à ce moment ? Y penser simplement, remplit mon âme de douce consolation. » (Hubenig 2004, pp.29-30). Beaucoup d’entre nous, nous pourrions relier notre choix de vocation à des moments fondateurs semblables, où un trésor nous est révélé, un trésor si précieux que nous en sommes changés ; nous décidons alors de laisser derrière nous notre ancienne vie et nous commençons une nouvelle vie. Notre vocation oblate s’enracine habituellement dans des expériences fondatrices qui se passent quand nous décidons d’entrer en communauté, ou pendant notre formation. Et c’est cette rencontre avec le trésor qui devrait nourrir la vocation et la fortifier tous les jours de notre vie. L’expérience initiale représente quelque chose d’immensément bon et attractif et c’est cette attraction du bien qui nous fait nous retourner et suivre un nouveau chemin. Voilà la conversion, voilà la métanoia !

La conversion vient de Dieu

Le trésor vient de Dieu. Il vient sur nous par son action, quand le temps (kairos) est accompli pour nous. Ce kairos reste toujours fondamental en nos vies ; si nous perdons notre chemin, à la suite de difficultés surgissant pendant notre voyage, nous sommes appelés à revenir à l’expérience originale, à la redécouvrir à nouveau.

Dans la conversion, le salut nous est offert comme un libre don, parce qu’il vient de l’amour. Dieu est amour : « rendu manifeste parmi nous, quand Dieu a envoyé son Unique dans le monde, pour que nous vivions par lui, dans cet amour. Ce n’est pas parce que nous avons aimé Dieu, mais parce qu’il nous a aimé et qu’il nous a envoyé son Fils, pour être expiation pour nos péchés. » (1 Jn. 4, 9-10). Le tout de notre voyage spirituel se trouve dans cette vérité. Dieu envoie son fils dans le monde non pas pour condamner le monde, mais pour que le monde, par lui, soit sauvé (Jn.3, 16-17). Ce n’est que dans la conversion que nous avons accès à cette vérité.

L’Eglise sur terre a été fondée par Dieu, comme organisation missionnaire, dont le but est de proclamer la conversion, afin d’amener le peuple au salut, selon le plan du Père qui coule « d’une fontaine pareille à l’amour.” (AG 2)

Cette Mission divine, fondée sur l’amour de Dieu pour nous, prend chair pour toute l’humanité, dans la Mission de Jésus Christ, de proclamer l’Amour de Dieu pour nous, en parole et en acte. Cela se continue dans la mission du Saint Esprit, envoyé par Jésus comme « premier don fait aux croyants », pour achever son travail sur terre et nous apporter la plénitude de sa grâce. (Prière euch. 4)

L’Amour de Dieu pour nous est manifesté en plénitude dans le Mystère Pascal dans lequel Jésus nous montre le chemin du salut. Le chemin du salut est le chemin de la Croix. C’est une métaphore fondamentale de conversion. Dans le Mystère pascal, le Fils subit la dernière épreuve. En envoyant Jésus Christ, le Père a fait tout ce qui était en son pouvoir pour le salut de l’humanité. Après cela, Dieu est resté silencieux. Il n’a rien d’autre à dire[1]. À ce point, si nous ne nous convertissons pas à ce mode de vie, nous ne pouvons pas répondre à l’appel de Dieu.

La Mission du Saint Esprit est d’inspirer continuellement l’Eglise, et d’aider les gens à trouver le trésor, à travers l’activité de ses membres. Le Saint Esprit guide toutes nos activités de missionnaires de l’Eglise, car il est l’Ame de l’Eglise (EN75) et l’agent principal de l’ensemble de la mission de l’Eglise (RM 21). Dans notre conversion, le Saint Esprit nous stimule continuellement à vivre cette conversion, en nous convaincant de péché (Jn.16 ; DeV46). Car le péché conduit à la mort et la foi à la vie (Rm. 6,23).

Nous faisons avancer la conversion, quand nous révélons le trésor à d’autres

Les disciples ont changé leur vie, parce que Jésus leur a dit : « Venez et Voyez » ; ils ont été en outre les témoins de ses paroles et de ses actes, événements étonnants de son ministère. Quand les apôtres ont commencé leur propre ministère, à la Pentecôte, Pierre révèle, dans la théophanie, le trésor qui est la Bonne Nouvelle du salut, à propos de Jésus ; il a fait de grandes choses parmi eux et Dieu l’a relevé d’entre les morts. Et « environ trois mille ont été convertis ce jour là » (Actes 2). Dans sa prédication aux pauvres de Marseille, St Eugène révélait le trésor que Dieu avait mis en chacun d’eux, en contraste avec ce que le monde pensait d’eux. « Que vos yeux percent une fois les haillons qui vous couvrent. Il est au-dedans de vous une âme immortelle... plus précieuse devant Dieu que toutes les richesses de la terre...O chrétiens ! connaissez donc votre dignité ! » (Hubenig 2004 p.53)

Les missionnaires Oblats, à travers le monde, ont révélé aux peuples ce trésor et ont ainsi contribué à la conversion. L’an dernier, j’ai eu la chance de participer au 100e anniversaire de la paroisse Maphumulo, au KwaZulu Natal. C’était en 1909 que le P. Julius L’HOTE, OMI, a quitté Montebello à dos de cheval et est arrivé au kraal de Camillus Mkhize. Il y passa la nuit et célébra la messe le matin suivant, le 20 avril 1909. C’était la première messe à Maphumulo. Le P. L’Hôte continua à desservir Maphumulo jusqu’à sa mort, en 1956 ; il célébra son Jubilé d’or sur place. Pendant des années, il travailla avec Camillus Mkhize qui y était catéchiste, jusqu’en 1947. De cette mission sont nées beaucoup de postes secondaires, des écoles, beaucoup de chrétiens et beaucoup de vocations, y compris un évêque, deux autres prêtres, beaucoup de religieuses et beaucoup de conversions. Qu’un simple Oblat inconnu soit témoin de ces choses, c’est important parce que cela se reproduit partout dans le monde, à la suite des efforts de beaucoup d’Oblats inconnus, qui ont révélé le trésor aux gens, et ont construit l’Eglise, dans le monde moderne.

La Conversion vient par l’évangélisation:
témoigner de la bonne nouvelle, comme de quelque chose de bon et de neuf.

Comme Oblats, nous sommes appelés à l’évangélisation ; et en cela nous suivons Jésus, les apôtres, St Eugène, tous les Saints et les Oblats qui nous ont précédés. Evangéliser signifie apporter la bonne nouvelle aux peuples. Dans l’évangélisation, il y a deux composantes essentielles et pourtant souvent oubliées. Elles sont évidentes, c’est pourquoi nous ne sommes pas toujours conscients de leur importance.

Evangéliser signifie : apporter la Bonne Nouvelle. Le premier critère d’une bonne nouvelle est qu’elle soit bonne et le second qu’elle soit nouvelle. Ceci signifie que, au moment d’évangéliser, nous devons nous assurer que ce que nous faisons est vécu, dans le cœur des destinataires, comme quelque chose de bon pour eux : un trésor, si vous voulez. Les récits de l’Evangile qui rapportent les faits et gestes de Jésus irradient la bonté. Cela, à cause de ses guérisons, des signes, des paroles de réconfort, de bénédiction et de soutien. Jésus s’insère lui-même dans la vie quotidienne des personnes qu’il rencontre et répond à leurs besoins humains, en leur apportant quelque chose de bon. Ceci constitue un appel pour nous missionnaires. Telle est l’essence de notre proximité avec les gens.

L’Evangélisation doit aussi apporter quelque chose de nouveau dans les cœurs et les âmes des destinataires. Quand Jésus commença à enseigneur la bonne nouvelle : « ils furent tous tellement saisis qu’ils se disaient les uns aux autres : ‘Qu’est-ce que cela ? Voilà un enseignement nouveau, plein d’autorité ! ’ Et sa renommée se répandit aussitôt partout, dans toute la région de Galilée. » (Mc.1,27-28)

Ainsi la bonne nouvelle doit être bonne et doit être nouvelle ! Il semble que ce soit un commentaire, tellement évident. Et pourtant ce qui surprend encore plus c’est comment parfois notre ministère peut oublier ces deux critères et tomber dans le train train répétitif des devoirs pastoraux quotidiens. Et en répétant les mêmes vieilles choses, nous nous étonnons du peu de fruits que cela produit ! Plus surprenant encore !...

En fait, Dieu appelle continuellement les gens à participer, dans le Christ, à la réalisation de son grand plan pour le salut du monde (cf. Ep. 1 ; 1Co.15). Un appel particulier est celui de la vocation à la vie et au ministère de prêtre. D’habitude, nous percevons l’appel de Dieu dans l’exemple de ceux qui sont autour de nous, nous provoquent et nous inspirent, par leur propre vie. C’est surprenant combien souvent, notre propre témoignage et l’exemple de la Bonne Nouvelle peuvent toucher les autres et les amener à l’engagement. Ceci est particulièrement vrai de la vocation sacerdotale et religieuse où l’exemple d’un saint prêtre zélé est la manière par laquelle beaucoup de jeunes sont interrogés sur les choix pour leur propre avenir (DMP 32). Ce témoignage peut être inspiré par différentes sortes de dons et talents sacerdotaux. Certains prêtres séculiers révèlent le trésor en préparant et présidant des célébrations dignes et priantes. D’autres manifestent le trésor de la présence de Dieu par leur ministère auprès des malades et des mourants. D’autres ont un don spécial pour prêcher, et leur méditation atteint le cœur des gens. D’autres montrent un engagement spécial envers les pauvres et les souffrants de la paroisse. Il n’y pas de recette, mais ce qui est commun à tous c’est l’exemple d’hommes qui ont rencontré le Seigneur, qui le connaissent et qui vivent leur relation avec Jésus, dans le service du peuple qu’ils sont appelé à conduire. Et ce qu’ils apportent est bon et ils le renouvellent chaque jour !

Le p. Julius L’Hôte, le missionnaire oblat auquel je faisais référence ci-dessus, a eu un impact semblable sur un jeune homme, qui a été spécialement inspiré par l’esprit de prière de ce Père et par son amour pour les gens. Il se souvient de sa compassion, pendant une épidémie de malaria : ce Père visitait les malades et en prenait soin. Quand le jeune homme eut 13 ans, il dit au P. L’Hôte : « Je veux faire ce que tu fais ». Ce garçon, Dominic Khumalo, devint Oblat et prêtre et finalement, Evêque Auxiliaire de Durban.

Des exemples semblables où des missionnaires transmettent à d’autres le trésor qui leur a été révélé inspirent des jeunes gens (et parfois des plus âgés) à contempler la valeur, et en fait, l’indispensable nécessité de la vie de prêtre. Dans cet esprit, ils sont plus disposés aux motions de l’Esprit, qui les pousse gentiment à venir et voir si cette vie ne serait pas faite pour eux. (cf. Jn. 1,39).

La Bonne Nouvelle peut plaire mais elle peut aussi effrayer

La vie de Jésus montre rapidement que la Bonne Nouvelle a deux niveaux. Et si nous sommes ses disciples, envoyés pour la mission de l’Eglise, ce sera la même chose pour nous. Dans les premiers chapitres de l’Evangile le récit de la bonne nouvelle est globalement plaisant et joyeux. C’est une très belle bonne nouvelle pour les gens ; les foules grandissent et le suivent. Dans notre activité missionnaire, nous apportons aussi ce type de bonne nouvelle, surtout quand nous répondons aux besoins immédiats des gens, en établissant des églises ou des lieux de culte, en dispensant l’éducation, en favorisant la justice sociale et le développement, en fournissant des lieux de guérison et de bien-être, en prêchant des retraites et en conduisant des pèlerinages etc. Comme Oblats, nous avons été engagés en toutes ces activités, et avons révélé aux gens le trésor de la joyeuse bonne nouvelle de l’Evangile.

Mais dans la deuxième moitié de l’Evangile, la bonne nouvelle prend la forme d’un message urgent et intimidant ; pensez au voyage vers Jérusalem, et aux prédictions des souffrances et de la mort. Ceci commence avec la profession de foi de Pierre et la Transfiguration sur la montagne (Mt., Mc 8 et Lc.9). Après s’être rendu compte que les disciples avaient compris la Bonne Nouvelle et savaient qui il était, Jésus commence à révéler un côté plus dur de la bonne nouvelle, en annonçant la montée à Jérusalem, pour souffrir et pour mourir sur la croix. Ayant entendu cette nouvelle effrayante, Pierre le reprend et alors, celui que Jésus venait de déclarer bienheureux et roc sur lequel l’Eglise serait construite, est à son tour taxé de Satan, car « tu n’es pas du côté de Dieu, mais des hommes. »

A partir de ce moment, le message de la Bonne Nouvelle devient progressivement difficile : « si quelqu’un veut marcher à ma suite, qui se renonce lui-même, qu’il prenne sa croix et me suive. Car quiconque veut sauver sa vie la perdra et celui qui perd sa vie la sauvera » (Mt. 16, 24-25). Cet aspect du trésor est dur à voir et à accepter. À mesure que l’histoire va de l’avant, les foules quittent Jésus, jusqu’au moment où elles le laissent seul sur la Croix : abandonné et même renié par ses plus proches disciples. Cette dimension plus dure et profonde de la Bonne Nouvelle est liée à la lutte contre le mal et à l’inévitable souffrance qu’elle comporte. C’est dans la montée à Jérusalem qu’elle sera totalement déployée dans la souffrance et la mort de Jésus sur la croix, où il accomplit ce pourquoi il était venu : sauver le monde. (Jn. 19,30)

L’apparente « mauvaise » bonne nouvelle de la deuxième partie des Evangiles est en réalité une bonne nouvelle. C’est la puissance de la croix qui nous permet d’être sauvés et c’est par elle que le Royaume nous rejoint. Dans la crucifixion, Jésus assume toute notre humanité, y compris nos péchés, et par ses blessures nous sommes sauvés. C’est le vrai trésor, puisque « qui n’est pas crucifié n’est pas guéri » (O’Collins 1997, p. 76 ; cf. Grégoire de Naziance Epître 101)

C’est la mort de Jésus sur la croix qui ouvre le chemin vers le Royaume et non pas la bonne nouvelle, vue sous l’angle de la guérison et la prédication, ce qui n’est que le fruit de cette rédemption. Jésus accepte d’être la brebis parmi les loups, et la victime qui nous fait participer à sa vie. Le ministère et la mission demandent que nous aussi nous suivions le même chemin. Devenir apôtre, c’est se soumettre à ce pouvoir et à cette autorité. C’est aussi la partie difficile de la conversion.

Si nous désirons apporter la Bonne Nouvelle aux gens, alors nous devons nous souvenir de ces deux parties du message de l’Evangile. Parfois, les acteurs du ministère ne reconnaissent que la bonne nouvelle « sympathique et facile ». Ils ignorent les échecs, et minimisent les souffrances. Et pourtant, les échecs et les souffrances sont au centre de la bonne nouvelle, comme le montre la vie de Jésus. Si nous voulons imiter Christ, nous sommes appelés à marcher sur ces deux chapitres du chemin chrétien. La vie que nous apportons, et le trésor que nous révélons dans le ministère sont enracinés dans la souffrance sur la croix. Le ministre est ainsi celui qui accepte de suivre Jésus sur le chemin de la croix. Ainsi le mandat missionnaire est une invitation à marcher où Jésus a marché. C’est aussi une invitation à marcher vers les souffrances et les peines de notre Jérusalem Globale, tout en nous frayant un chemin vers le Père. En marchant, nous devrions prêcher : « le royaume des cieux est tout proche », nous devrions « guérir les malades, ressusciter les morts, purifier les lépreux, chasser les démons. » Ce que nous avons reçu, nous l’avons reçu gratuitement. Ainsi, nous devrions donner sans payer, dans un monde vendu à l’argent (cf. Mt. 10, 7-8)

La Conversion se passe à l’intérieur d’une culture

1. à l’intérieur d’une culture, dans l’activité chrétienne

Tous les missionnaires traversent les frontières qui séparent leur propre contexte de celui de ceux auxquels ils sont envoyés. La barrière la plus fondamentale est évidemment la frontière de la foi, car le missionnaire apporte le trésor de la foi, dans un contexte de non foi. Mais existent aussi d’autres frontières. La plus familière est celle de la géographie, lorsque nous sommes envoyés d’un endroit à un autre. Même à l’intérieur de notre pays natal, il y a des barrières que le missionnaire doit franchir. Par exemple, entre les contextes ruraux et citadins, entre jeunes et anciens, entre population résidente et migrants, entre religions, entre visions du monde, et de façon croissante, entre cultures et ethnicités, dans des mégapoles multiculturelles, en rapide croissance, partout dans le monde.

“Le royaume est le souci de chacun : individus, société et monde. Travailler pour le royaume signifie reconnaître et promouvoir l’activité de Dieu, dont la présence dans l’histoire humaine la transforme. » (RM 15) Le trésor du royaume de Dieu, servi dans la gaine culturelle du missionnaire, peut représenter, ou non, quelque chose de bon ou quelque chose de neuf, pour les destinataires. C’est pourquoi, l’inculturation est tellement centrale dans la vie missionnaire. Si nous sommes tellement attachés à notre propre culture, à nos langues, à nos points de vue, à nos traditions, à nos façons de faire les choses, alors nous pouvons finir en étant comme Nathanaël qui dit : « de Nazareth ! que peut-il sortir de bon? » Si cela nous arrive, l’invitation « Venez et voyez » nous passe à côté, et nous n’avons pas la vocation missionnaire.
Nous avons tendance à penser que les autres peuples voient le monde comme nous le voyons. Mais en fait ils ne le font pas. Nous avons tendance à penser que nos valeurs, nos croyances et nos priorités sont les croyances, valeurs et priorités d’autres peuples. Mais elles ne le sont pas. Nous avons tendance à penser que ce qui est pour nous le bon sens, c’est le bon sens des autres, mais une fois encore ce n’est pas le cas. Le bon sens est le sens d’une communauté : lui aussi est culturel. Plus nous pouvons apprendre, afin de voir avec les yeux des autres, plus nous serons capables d’aider les gens à découvrir le trésor caché dans le champ.

Car le trésor est là, parmi les gens. C’est notre rôle de missionnaires de mettre notre présence au service de l’accomplissement du kairos, en offrant au royaume l’occasion d’être proche de ceux que nous servons. Nous ne portons pas Dieu, c’est lui qui nous porte, et comme missionnaires, nous le révélons d’après ce que voient nos yeux de foi ; non pas comme un article dans nos bagages, mais comme faisant partie de leur monde à eux. C’est à travers l’activité missionnaire qui intègre un décodage culturel de ceux à qui nous nous adressons que nous communiquons la bonne nouvelle, comme réponse à leurs besoins humains. L’essence de l’activité missionnaire et de la spiritualité missionnaire consiste en un voyage d’incarnation, dans la culture des populations que nous évangélisons, à qui nous apportons la bonne nouvelle, sous ses deux aspects : tantôt plaisante, tantôt dure et provocante. Cela nous conduira à la passion, à travers des bouleversements : ... la croix et la résurrection. C’est à cela, et rien de moins, qu’il nous faut nous attendre.

Les JMJ ont été des moyens très puissants de mission pour le Saint Père, précisément parce qu’il a répondu aux défis culturels. Quand le Pape évangélise la jeunesse, il le fait à travers la culture de la jeunesse. Si lui peut le faire, combien davantage devrions nous en être capables, nous qui avons une vocation typiquement missionnaire, et un charisme auquel nous consacrons toute notre vie.

2. La conversion, comme socialisation dans la culture de la vie oblate

La vie religieuse est une culture. C’est une manière de vivre humainement. Toutes les cultures ont un système fondateur de croyance, un ensemble de valeurs de base et un style de vie spécifique, avec ses propres conduites. La vie religieuse apostolique est basée sur le système de croyances de l’Eglise catholique et le charisme d’un fondateur religieux. Son système de valeurs se base sur les valeurs religieuses fondamentales de pauvreté, chasteté et obéissance. Son style de vie est communautaire et son activité est apostolique.

La culture de la vie oblate se fonde sur le charisme de St Eugène de Mazenod, l’histoire et la tradition de la Congrégation. Nos valeurs sont centrées sur les vœux de pauvreté, chasteté et obéissance. Notre style de vie est fondé sur la communauté et notre activité missionnaire est concentrée sur l’évangélisation des pauvres aux multiples visages.

Nous apprenons à vivre notre culture par la formation. La formation initiale est un processus de socialisation dans notre style de vie. Il nous apprend la vie quotidienne dans une communauté, la pratique des vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, et nous forme à l’engagement apostolique, selon la visée missionnaire oblate et l’expérience de la Congrégation. Ce dernier point est souvent le plus problématique, car les maisons de formation première sont souvent très éloignées de notre activité missionnaire. La socialisation pratiquée dans les grandes communautés peut conduire à une autre difficulté : en effet l’effort demandé pour s’insérer dans une grosse structure peut se faire au détriment de l’apprentissage d’un style de vie apostolique. Dans les plus petites communautés, le danger viendrait de ce que l’adaptation aux valeurs culturelles locales l’emporte sur l’attention aux valeurs religieuses oblates, plus nouvelles et moins familières.

Les vœux eux-mêmes donnent naissance à beaucoup de questionnements culturels communs. Un exemple est le combat pour vivre le vœu de chasteté dans un monde de promiscuité. Un autre problème naît lorsque le style de vie de la communauté religieuse est perçu comme plus riche que la pauvreté vécue par les candidats dans leurs propres familles. Autre problème : une façon erronée de penser l’obéissance, sous l’influence de la culture moderne de la consommation qui veut que ce que je fais doit se conformer à mes désirs personnels et à la raison. La formation doit répondre à ces questions.

La formation continue doit aussi se centrer sur la socialisation des Oblats dans la vie religieuse apostolique. Le centre de cette vie est l’activité apostolique, faite par une communauté religieuse, dans laquelle ‘toute la vie religieuse de ses membres devrait être inspirée par un esprit apostolique dans toutes leur activité formée par l’esprit de religion ’ (PC 8). Souvent les exigences du ministère submergent les exigences de la vie religieuse, et les Oblats courent le risque de vivre comme des diocésains.

Les instituts religieux constituent des lieux de contre-culture, dans la société moderne. L’éthos de la vie religieuse, tel que formé par les vœux, est en forte contradiction avec les valeurs dominantes de beaucoup de sociétés modernes. En certains lieux, où existe un fort enracinement culturel dans la tradition chrétienne, l’éthos de la vie Religieuse apparaît encore comme important, bien qu’en décalage avec le « monde réel ». Quand les religieux vivent réellement selon l’observance des vœux et la culture religieuse, il peut en résulter un effet d’admiration, de surprise et de louange. Plusieurs institutions, établies et maintenues par des religieux ont bien réussi et se sont gagnés les éloges des sociétés dans lesquelles ils travaillent. De cette façon, ils révèlent à leurs contemporains un autre aspect du trésor, et ce témoignage questionne, plus que toute autre interpellation, le système sécularisé des valeurs.

Mais la culture séculière postmoderne, influencée par la clientèle des médias, recherche activement à saper l’édifice en démontrant que les vœux vécus dans le monde réel ne peuvent être qu’un mythe. Leur but sera toujours de rendre publics les échecs des prêtres et des religieux, leur incapacité à se maintenir à la hauteur de leurs engagements, parce que c’est cela qui se vend. Ainsi grandit le soupçon que cet idéal ne peut être atteint et que la vie religieuse est une imposture. C’est pour nous tous un défi à relever, par une conversion quotidienne à la fidélité. C’est aussi un défi que de nous protéger contre les influences malignes des groupes de médias, qui cherchent le profit et qui font de l’argent en propageant de mauvaises histoires qui minent les responsables et les figures publiques de toute espèce. Les façons de traiter ces affaires, comme on le faisait autrefois, par la confidentialité, la prudence et le privé, sont probablement inefficaces dans une telle culture. Nous devons nous protéger nous mêmes, en établissant et faisant approuver des normes et des procédures chrétiennes d’une conduite professionnelle dans la culture de la société moderne.

Pour finir

Si nous ouvrons nos cœurs, nous trouverons un trésor caché dans un champ, parce que Dieu désire se révéler à nous. Si nous nous rappelons les multiples façons dans lesquelles la bonne nouvelle est arrivée jusqu’à nous, nous devrions chercher activement à apporter la bonne nouvelle aux autres. Dans nos moments de sagesse, nous reconnaissons que la Bonne Nouvelle comporte toujours un combat contre le mal qui peut être dur, par moments. Mais dans la bonne nouvelle du mystère pascal, nous réalisons que la victoire a été gagnée et que la mort n’a plus d’aiguillon. Alors que nous nous engageons à être missionnaires, engageons-nous à assumer la culture de notre Congrégation, et soyons prêts à voir avec les yeux des autres, afin d’apporter la bonne nouvelle, jusqu’aux confins de la terre.



[1] St Jean de la Croix, La Montée au Carmel, II, 22, 4 Cfr. La Lettre Apostolique de sa Sainteté Jean-Paul II au TRP Felipe Sainz De Baranda, Supérieur général des Carmes déchaux, de l’Ordre de la Bienheureuse Vierge Marie du Mont Carmel, à l’occasion du IVe Centenaire de la mort de Saint Jean de la Croix, Docteur de l’Eglise.


Références

DMP: Directoire sur la vie et le ministère des prêtres. Vatican: Congrégation pour le Clergé. 1994
DeV: Dominum et Vivificantem. Encyclique du Pape Jean Paul II. 1986.
EN: Evangelii Nuntiandi. Exhortation Apostolique du Pape Paul VI. 1975.
Hubenig, A., 2004: Living in the Spirit’s Fire. Rome: OMI Postulation
O’ Collins, G. 1977: The Calvary Christ. Philadelphia: Westminster Press.
PC: Perfectae Caritatis Décret sur l’Adaptation et le renouveau de la Vie Religieuse Vatican II. 1965
RM Redemptoris Missio Sur la validité permanente du mandat missionnaire de l’Eglise Encyclique du Pape Jean Paul II. 1990
St Grégoire de Naziance Epître 101.


Errata Corrige

Dans la Documentation OMI n°293 (mars 2010), on pouvait lire dans l’article L’Appel à la Conversion comme celle de Philémon: “Quand le gouvernement italien enlève le crucifix des murs des écoles, pour des raisons de tolérance religieuse, il reste une culture forte et fière de sa position – la culture religieuse qui se trouve au pied de la tombe de l’apôtre Pierre. » De fait, le gouvernement italien n’a jamais enlevé les crucifix des murs des écoles. Au début novembre 2009, le Cour européenne de Droits Humains, elle a publié un arrêté contre l’usage des crucifix dans les salles de classe en Italie. Le gouvernement italien a déclaré qu’il n’était pas lié par ce verdict et a interjeté appel.


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